La mise à l'ombre, hier, de Noureddine B'hiri, ancien ministre de la Justice à l'époque de la Troïka et actuel membre du bureau exécutif d'Ennahdha, annonce-elle le démarrage du jugement des «gros bonnets» impliqués dans les affaires de corruption dont ont souffert les Tunisiens durant la décennie 2011-2021 ? Hier, on se posait la question avec insistance au sein du paysage politique national en attendant que le ministère de l'Intérieur dévoile les raisons de cette arrestation. Les Tunisiens et les Tunisiennes sympathisants de la dynamique du 25 juillet 2021 ont poussé un ouf de soulagement: l'opération jugement des «gros bonnets», des personnalités politiques les plus influentes et les plus «impliquées» dans la spirale de la corruption qui a éclaboussé le pays durant la décennie de la déchéance et de la dépravation 2011-2021 a démarré, hier, à travers l'arrestation de Noureddine B'hiri, député nahdhaoui aux activités gelées, ancien ministre de la Justice à l'époque de la Troïka 2011-2013 et actuel membre du bureau exécutif d'Ennahdha. Noureddine B'hiri, considéré comme l'un des lieutenants les plus fidèles de Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, a été arrêté, hier matin, par les agents de sécurité au moment où il se rendait à son étude en compagnie de son épouse, Me Saïda Akremi, elle aussi avocate et membre du barreau national. D'après les déclarations de Me Akremi, son époux a été arrêté sans qu'on lui délivre de mandat autorisant son arrestation ou sa mise en résidence surveillée, les agents de l'ordre ayant refusé de répondre aux questions qui leur ont été posées sur les causes de leur acte et aussi sur le lieu où ils allaient le conduire. La même version a été reprise, quelques heures plus tard, dans un communiqué officiel d'Ennahdha où l'on dénonce «l'opération enlèvement» du membre du bureau exécutif du parti, l'on fait assumer «aux autorités sécuritaires la responsabilité de ce qui pourrait lui arriver» et l'on exige qu'on lui délivre ou à son épouse «le document officiel qui justifie son arrestation» afin que «nous sachions — comme l'a précisé Riadh Chaiibi, conseiller politique auprès de Rached Ghannouchi — s'il a été mis en résidence surveillée et où a-t-il été conduit ou s'il a été arrêté dans le cadre d'une enquête judiciaire où il serait l'objet d'une quelconque accusation». Du côté de la section régionale de Tunis de l'ordre des avocats, Me Mohamed Hedfi, président de la section, soutient le même discours et déclare aux médias: «Nous essayons depuis les premières heures de la journée de joindre le ministre de l'Intérieur dans le but de savoir pourquoi Me B'hiri a été mis aux arrêts et où il se trouve actuellement. Malheureusement, tous nos appels sont restés sans réponse et nous attendons toujours que le ministère s'exprime officiellement sur l'affaire afin qu'on puisse engager les procédures nécessaires nous permettant de recourir au tribunal administratif pour l'introduction d'un recours contre l'éventuelle mise en résidence surveillée de notre collègue ou pour savoir quelles sont les accusations qui lui seront portées au cas où il aurait été arrêté pour répondre de certaines accusations dont on aimerait connaître le contenu». Les éclairages nécessaires Pour le moment, le ministère de l'Intérieur garde le silence et refuse d'éclairer l'opinion publique sur au moins les premières présomptions qui ont justifié jusqu'ici l'arrestation de Me B'hiri, laissant ainsi au mouvement Ennahdha, à ses barons qui se comportent comme s'ils étaient encore au pouvoir, y compris ceux qui ont abandonné «leur cheikh» et se sont autoproclamés aujourd'hui comme les défenseurs exclusifs des droits et des libertés, l'opportunité d'accaparer les médias et surtout les réseaux sociaux pour flouer les citoyens et les induire en erreur en leur servant un discours soi-disant juridique n'ayant, en réalité, aucun rapport avec les dispositions contenues dans le fameux décret 50/1978 relatif à l'état d'urgence ou avec les dispositions à respecter dans le cadre de l'application de l'état d'exception. Mais, cet état de fait n'empêche pas les médias de piocher là où il est possible de dénicher certaines données propres à dissiper la confusion et les doutes. Ainsi, apprend-on, d'après certaines indiscrétions, que Noureddine B'hiri serait accusé «d'enrichissement illicite et d'octroi illégal de certificats de nationalité à des personnes étrangères en contrepartie de sommes d'argent conséquentes qui atteindrait les 150 mille dinars pour tout document». On apprend également que Me Noureddine B'hiri et son épouse Me Saïda Akremi ainsi que leur fils auraient été entendus, il y a une semaine, par les agents de la Garde nationale d'El Aouina dans le cadre d'une affaire dont on ne sait rien jusqu'ici. Dernier élément qui pourrait jeter de la lumière sur l'affaire : certaines sources n'hésitent pas à laisser entendre qu'il se pourrait qu'il existe un lien entre l'arrestation de Noureddine B'hiri et la mise à sac, ces derniers jours, au siège du Tribunal de première instance de Tunis, des bureaux de certains magistrats dans le but de faire disparaître certains dossiers compromettants. L'opération aurait été menée en dépit de la présence des agents de sécurité affectés au tribunal et des caméras de surveillance. Pour finir, au moment de la rédaction du présent article, plusieurs sources concordaient pour signaler que Noureddine B'hiri se trouvait à la caserne de la Garde nationale à El Aouina.