Frappée par la guerre civile depuis 2011, la Syrie rêve d'une première participation à une Coupe du monde. Mais les obstacles sont nombreux. Pour préparer son déplacement en Chine, le 6 octobre dernier, dans le cadre des éliminatoires pour le Mondial 2018 en Russie, la Syrie avait organisé un rassemblement de trois jours à Damas. Sur les vingt-trois joueurs convoqués, seuls huit avaient répondu présent. Une mauvaise habitude pour le sélectionneur Ayman Hakeem, comme pour ses prédécesseurs. «On joue presque tous à l'étranger, on a des engagements avec nos clubs», justifie Tariq Jamal Hindawi (21 ans), qui évolue au poste de milieu défensif à Al-Ittihad en Arabie Saoudite. C'est aussi pour cette raison que la Syrie ne dispute pas de matches amicaux. Cela ne l'a pas empêchée de s'imposer à Xi'an (1-0) ni de figurer à la quatrième place de son groupe (Iran, Ouzbékistan, Corée du Sud, Qatar, Chine) après quatre journées, restant en course pour la première qualification de son histoire en Coupe du monde. Une troisième place serait déjà synonyme de barrage. «Avant le début des qualifications, tout le monde pensait que la Syrie serait l'équipe la plus facile à battre. Aujourd'hui, tout le monde a peur de nous», résume Tariq Jamal Hindawi. Cette année, seuls trois internationaux syriens jouent encore dans le championnat local, qui a vu plus de deux cents joueurs quitter le pays depuis que la guerre civile a éclaté, en 2011. « Beaucoup de joueurs étaient contraints par le régime de sortir dans la rue pour soutenir Bachar al-Assad, confie Yasser Al-Hallaq, directeur de l'organisation non gouvernementale Athletes for Syria. Certains refusaient et fuyaient parce qu'ils avaient peur d'être arrêtés ou tués, comme c'est arrivé à plusieurs de leurs coéquipiers ou amis». Accusés d'être des espions pour les forces armées kurdes, quatre joueurs d'Al-Shabab, à Raqqa, ont ainsi été décapités en juillet, en pleine rue, devant une audience rassemblée de force. Le mois dernier, l'ancien international syrien Jehad Kassab a été torturé à mort à l'âge de 40 ans pour avoir participé à des manifestations en 2014. Malgré les risques, certains ont refusé de jouer pour l'équipe nationale et ont, à leur tour, quitté la Syrie. «Pour ne pas participer à la propagande du régime», affirme Yasser Al-Hallaq. Sélectionné à 51 reprises jusqu'en 2011, l'attaquant d'Al-Arabi (Koweït) Firas Al-Khatib n'a plus porté le maillot syrien depuis, en signe de soutien à l'opposition. Même chose pour le buteur d'Al-Ahli (Arabie Saoudite) Omar Al-Somah, qui refuse toutes les sollicitations de sa sélection depuis quatre ans. L'ancien gardien des moins de 20 ans de la Syrie, Abdel Basset Sarout, a, lui, troqué ses gants contre les armes, celles des rebelles, dont il est devenu l'un des porte-parole. «C'est inacceptable de jouer dans une équipe nationale dont le gouvernement tue le peuple», considère Omar Abd Alrazzaq, qui a quitté son pays dès les premières semaines du Printemps arabe. L'Armée syrienne libre a créé une équipe pour représenter ses combattants, mais cette sélection, qui s'entraîne au Liban, n'est pas reconnue par la Fifa — qui a, par ailleurs, suspendu son financement pour le football syrien l'an dernier (2,25 M$) — et ne dispute donc que des matches amicaux. «C'est une honte de voir deux équipes nationales en Syrie, lâche Tariq Jamal Hindawi. On a choisi de jouer pour l'équipe nationale parce que le sport n'a rien à voir avec la politique. On représente la Syrie et le peuple syrien». «Je pense que la plupart d'entre eux soutiennent la révolution syrienne en cachette», glisse Yasser Al-Hallaq. Demain, la Syrie «accueillera» le leader de son groupe, l'Iran. Les guillemets s'imposent, car le match se disputera à Seremban, en Malaisie. Pour des raisons de sécurité évidentes, aucune rencontre internationale ne peut être organisée sur le sol syrien. Source : Le Parisien