Dans ses textes fort originaux, renforcés par une interprétation insolite, l'artiste a eu l'intelligence de jouer sur toutes les cordes sensibles... Dans sa musique, il s'est affranchi des formes musicales totalisantes... Il fait du décalé son cachet, de la musique tunisienne son credo, de l'expérimental sa dynamique de travail, du métissage modal et rythmique son exercice et de ce tout, son défi. C'est bien de Mahmoud Turki qu'il s'agit et c'est bien lui qui a assuré la deuxième soirée de Layeli el Abdelliya, vendredi dernier, avec son spectacle Dyslexie, version réduite. Accompagné d'Aziz Belhani aux percussions, de Mohamed Anis Mestaoui à la guitare et au luth, d'Elyes Blagui au clavier et de Rami Daguech à l'accordéon, l'artiste au banjo a présenté neuf titres qui composent ce premier projet personnel. Des chansons originales, mais également des reprises et des parodies. Hanin, Keyenni, Hatta nfass, Ghamadh inek, Netfakker — primée pour les meilleures paroles lors de la dernière édition des Journées musicales de Carthage —, Etidhar li haybet al dawla, Hmema taret, Manaarafch et Zaâma ennar. Zigzag musical Bien que le public n'ait pas consenti le déplacement en nombre, le jeune chanteur et auteur-compositeur a présenté son spectacle avec la même verve et avec une grande aisance. Il a réussi à transporter les quelques personnes présentes, une heure durant, dans son univers musical et à créer une ambiance intimiste. À travers ses chansons, Mahmoud Turki passe aisément du sarcastique au romantique et ne lésine pas sur l' « auto-réprobation » ! Dans ses textes fort originaux, renforcés par une interprétation insolite, l'artiste a mis le dialectal à l'honneur et a eu l'intelligence de jouer sur toutes les cordes sensibles : politique, amour, condition sociale, statut du musicien, et nous en passons. Les compositions mélodiques, elles, sont faites d'influences et de sonorités diverses. Mahmoud Turki puise, en effet, dans différents registres et répertoires musicaux tunisiens et orientaux dopés d'harmonisations occidentales. Des airs souvent familiers, on ne peut plus trop familiers par moments... Mais ce n'est pas tout, l'artiste use aussi de la citation et du collage et s'affranchit des formes musicales totalisantes. A fignoler... Toutefois, bien qu'il réponde aux normes de la musique postmoderne et de la vague alternative, Dyslexie est un spectacle qui n'est pas encore arrivé au stade de la maturité, dans son ensemble. C'est un chantier ouvert, en construction continue, « en bouillonnement », comme le qualifie son concepteur. Un spectacle qui a les défauts de ses qualités, sommes-nous tentée de dire. Mahmoud Turki a trouvé sa voie, mais se cherche encore. Sa personnalité musicale commence à s'esquisser et à prendre de la couleur. Avec son talent incontestable, sa fraîcheur d'esprit, son sens de la communication, ses capacités vocales, il promet d'aller loin, très loin même, nous en sommes certains. Il gagnerait beaucoup à exploiter davantage tous ces atouts pour arriver à une version plus aboutie de Dyslexie, mais également pour se frayer un chemin sur la scène musicale nationale et, pourquoi pas, internationale. Mahmoud Turki. Retenez bien ce nom !