Le réalisateur fait un gros plan sur la figure et le statut du policier dans la société marocaine et sur le rapport au pouvoir monarchique dans les années 80. Headbang lullaby, cinquième long métrage du très prolifique réalisateur marocain Hicham Lasri, sorti en 2017 et qui a été présenté dans la section Panorama de la Berlinale février dernier, il est en compétition aux JCC 2017. Ce film nous plonge en plein Maroc des années 80. Tout se passe un 11 juin 1986, à Casablanca. Le personnage principal, le policier Daoud, campé par l'acteur Aziz Hattab, est chargé d'une mission : assurer la sécurité d'un pont par lequel le roi Hassan II va passer. Un pont au milieu de nulle part, entre le village « Cola » et le village « Bebsi » ... Au service du Makhzen et de « Sidna »... Entre les émeutes de la révolte du pain et la victoire de l'équipe nationale marocaine à la Coupe du monde, ce mokhazni (membre des forces de sécurité) perd un peu le nord. Coureur de jupons, désabusé, il se trouve prisonnier d'un pont, le temps d'un jour, à cause d'un passage monarchique hypothétique. Larbi, un collègue gendarme en uniforme (joué par Adil Abatourab), le rejoint et c'est le début de rencontres improbables et de situations anecdotiques avec les habitants bariolés des deux villages et leurs mokadems qui se concurrencent à coups de surenchères pour servir le Makhzen et préparer l'arrivée de leur seigneur (Sidna), le roi. Dispositif surréaliste Tous les événements tournent autour de l'attente. Pour accentuer le dispositif surréaliste adopté et la valeur dramaturgique, le réalisateur utilise souvent le travelling à 360° (travelling circulaire), la contre-plongée, le plan d'ensemble et le gros plan. Il opère également une articulation entre le passé et le présent, un va-et-vient entre l'espace et le temps. Les couleurs sont sans contrastes ni dominantes comme pour appuyer cette insignifiance vécue par le personnage principal, en son être et dans sa mission. Ce qui a attiré notre attention dans Headbang lullaby, c'est la musique originale signée Wissem Hojjej. Mieux, cette bande-son passe aisément de l'extradiégétique au diégétique, ce qui n'est pas sans créer un effet des plus remarqués. Comédie politique ? Coproduit par la France, le Liban et le Qatar, classé comédie, ce long métrage fiction de 111 minutes flirte avec le politique. A coup de codes et de références, le réalisateur fait un gros plan sur la figure et le statut du policier dans la société marocaine, mais surtout sur le rapport au pouvoir monarchique de l'époque et sur l'état du pays (symbolisé entre autres par le corbillard qui n'arrive pas à démarrer). On y parle de répression, mais aussi de dignité, d'amour et d'hypocrisie sociale aussi. En réalité, Headbang lullaby ne serait bien saisi sans connaître la situation politique du Maroc dans les années 80 et sans mobiliser certains savoirs annexes, notamment en cinéma. Le film est assez intéressant, sauf qu'il n'accroche pas pour autant. Il est libellé de la même manière du début jusqu'à la fin. Il aurait gagné à être moins long et plus simple en symboliques. Aussi, la chute est-elle décevante. Nous nous attendions à une fin moins fade, moins banale, plus « piquante » ! Pour terminer sur cet opus en lice dans la compétition officielle, notons qu'il est coproduit par le Centre cinématographique marocain, une structure étatique, alors qu'il présente une critique acerbe du système politique à l'époque du roi Hassan II. Un bon point pour le roi Mohamed VI qui ne joue pas à la censure et qui a beaucoup fait en matière de réconciliation nationale dans son pays.