Le couronnement de l'EST cette saison, le 28e de son histoire, ressemble à un de ces titres annoncés dont est truffé le palmarès du football tunisien tellement ce sacre coule de source et n'aura au bout du compte surpris personne. On peut même dire que «l'opposition» formée des trois autres composantes de la bande des quatre a été incapable d'offrir une résistance à la mesure du rôle qui lui est dévolu. La preuve: le sacre a été obtenu trois journées avant terme. A la fin de la phase aller, rares étaient ceux qui pensaient que le titre 2017-2018 pouvait échapper à l'EST, alors que le Club Sportif Sfaxien occupait le poste de dauphin, et partait dans la peau de premier rival. D'autant plus qu'il pouvait espérer tirer les dividendes de la réception du club de Bab Souika, de l'ESS et du CA en phase retour. Une suite de parcours taillée sur mesure, quoi ! Mais on connaît aujourd'hui le fiasco colossal qui a été celui de l'équipe chère à Moncef Khemakhem. Deux défaites dans les trois premières journées de la phase retour, à Monastir puis à Kairouan, suivies de trois nuls consécutifs ont précipité le club phare du Sud dans la crise et enseveli ses espoirs de se mêler à la course au titre. Le black-out du CSS, durant le début de la phase retour, était venu conforter l'idée d'une opposition en crise, que ce soit dans le cas du club «noir et blanc» que de celui de l'ESS et du CA. Pourtant, si elle était annoncée, cette couronne n'en a pas moins été arrachée dans la douleur. Non, rassurez-vous, il n' y a aucune contradiction à cela. En effet, le club de Bab Souika a eu recours à trois entraîneurs: Faouzi Benzarti, Mondher Kebaïer et Khaled Ben Yahia. Trois techniciens qui connaissent le Parc «B» pour y avoir exercé que ce soit à la tête de l'équipe fanion ou avec les jeunes (Kebaïer). Ce fait est de toute première importance puisqu'il fallut à chaque fois recourir à quelqu'un qui connaît le club afin de faire l'économie de la fameuse phase d'adaptation alors que la compétition épouse un rythme démentiel et ne laisse plus aucun répit (hormis la longue trêve hivernale consacrée au stage de l'équipe nationale au Qatar). Une coupe arabe payée cash Le pic de la crise, l'EST l'avait vécu le 24 septembre dernier, soit au tout début de la saison lorsque, contre toute attente, le doyen des clubs du pays a été bouté «out» de la Ligue des champions par Al Ahly du Caire. Le premier objectif assigné au groupe a été loupé. Un grand rêve s'effondrait. Pourtant, sur la lancée de la coupe arabe des clubs champions, remportée en juillet-août derniers à Alexandrie, en Egypte, l'ensemble coaché alors par Faouzi Benzarti paraissait promis à tout emporter sur son passage. Mais c'était sans compter avec la fatigue ressentie inévitablement par les joueurs puisqu'ils ne purent pas profiter d'un repos suffisant. En plein été, leur participation en coupe arabe, si elle a rapporté un joli pécule, n'en a pas moins été payée cash au niveau de la fraîcheur physique et mentale. Les «Sang et Or» n'allaient s'en remettre qu'après la longue trêve hivernale, en janvier 2018 réservée au onze national. La difficulté réside également dans la cascade de blessures dont a pâti l'effectif, notamment le secteur défensif. Ce compartiment n'a que rarement pu aligner sa composition idéale. On n'a presque jamais vu Aymen Ben Mohamed à l'œuvre à tel point que de nombreux connaisseurs des affaires espérantistes oublient jusqu'au poste où évolue cette recrue estivale. Les bobos plus ou moins longs de Chamseddine Dhaouadi, Ali Machani, Montassar Talbi, Iheb Mbarki.... ont fréquemment déstabilisé ce secteur. Le poste de keeper n'a pas échappé à l'hécatombe. Pour relever Moez Ben Cherifia, fortement contesté et tombé en disgrâce suite au désastre de la double confrontation de Ligue des champions contre Al Ahly du Caire, Ali Jemal a déclaré présent, imposant sa sobriété, son courage et son métier. Tel un symbole, il était encore là, dans les bois «sang et or» dimanche dernier lors du match du sacre contre l'Etoile de Metlaoui. Il faut avouer que le bonhomme n'a que rarement été décevant tout au long de cet intérim. Les autres secteurs furent plus ou moins épargnés même si Saâd Beguir, Ghaylène Chaâlali, Taha Yassine Khenissi ... payèrent à leur tour le tribut aux blessures. Rappelez-vous: l'EST était partie au début de saison sans latéral droit de réserve. Il y avait donc urgence de doubler le poste suite à la longue blessure du titulaire Iheb Mbarki, touché aux ligaments croisés le 7 décembre dernier à Kairouan, et dont la saison était, depuis, terminée. Le recrutement de Samah Derbali, dont c'était le come-back, était le mieux qui pouvait arriver aux «Sang et Or» pour leur assurer de conserver leur supériorité à ce poste. A mi-chemin, soit après la pause hivernale, afin de donner un peu plus d'air à la ligne offensive, un autre come-back allait s'avérer réussi: celui de l'Algérien Youssef Blaili qui a su apporter fraîcheur, force de percussion et fantaisie à la ligne offensive. Pourtant, prenant un risque certain, le comité de Hamdi Meddeb n'hésita guère à libérer ses deux joyaux Ferjani Sassi et Fakhreddine Ben Youssef pour l'aventure en Arabie Saoudite. Les impératifs économiques, la propre volonté des joueurs, mais aussi la conscience que l'effectif en place pouvait faire l'affaire tout en se privant de l'ancien duo du CSS ont convaincu le club de Bab Souika de leur donner un bon de sortie. L'EST possédait alors une avance certaine aussi bien au classement qu'au niveau des ressources humaines et techniques, surtout que les rivaux traditionnels s'enfonçaient tour à tour dans la crise. Même le retour en force du Club Africain qui a coïncidé avec l'arrivée de Bertrand Marchand ne pouvait plus trop changer la donne puisqu'il se révèle assez tardif. Badri et Chamam décisifs Au rayon des individualités marquantes, il y eut cette saison l'explosion d'Anis Badri, très précieux dans la manœuvre offensive et souvent décisif par ses accélérations et changements de rythme, ce qui lui a valu de devenir quasiment titulaire en équipe nationale. L'apport de Khelil Chammam a été tout autant vital. A chaque fois où il fallut trouver quelqu'un pour «dépanner» dans l'axe central de la défense, il s'est trouvé à point nommé pour garantir sa polyvalence et son éclectisme. C'est un «capitaine courage» par excellence qui sait communiquer sa force tranquille. On n'oubliera pas non plus le tandem qui allait verrouiller la défense, la couvrir et se dépenser sans compter à la récupération: l'Ivoirien Fousseyni Coulibaly et le Camerounais Franck Kom. Deux beaux athlètes, deux forces de la nature, deux pivots qui se complètent et qui ont su faire oublier l'absence depuis plusieurs mois de Chaâlali. Enfin, si le rayonnement de Khenissi en attaque a été moins évident que la saison précédente, il faut saluer le précieux apport de Haythem Jouini qui a fini par faire taire ses nombreux détracteurs. Son rendement prouve que la qualité y est. S'il n'avait pas vraiment percé jusque-là, c'était tout simplement une question de confiance et de personnalité. En rattrapant le temps perdu, il prouve que dans son cas, après avoir mûri, le plus beau reste à venir. A l'image de ce qui attend son club, prêt pour une revanche continentale aux dépens d'Al Ahly. C'est le challenge qui attend dans l'immédiat le néo-champion de Tunisie. En patron indiscutable, il entend marquer son territoire africain où ses ambitions, sa volonté féroce et son appétit risquent de se révéler cette fois infinis.