Exister dans l'espace public est une évidence pour certaines mais une bataille pour d'autres. Les histoires qui en découlent vont du local à l'universel grâce à l'action du collectif «Fearless» (sans peur). Invitées à Tunis par l'association Chouf, en partenariat avec AWIDWomen's Rights et Heinrich-Böll-Stiftung Tunis, les membres de ce collectif ont immortalisé les voix des femmes tunisiennes, transformées en une fresque murale à découvrir en plein centre de Tunis. Le storytelling est l'arme choisie par Josephine Simone, Gayatri Ganju et Shilo Shiv Suleyman pour remplacer la peur par la confiance et investir l'espace public par la créativité et l'imagination collective. C'est ainsi que se définit le Fearless collective, composé d'artistes visuelles, de photographes et de cinéastes. Leur venue en Tunisie a été annoncée par un appel à un workshop sur «Rage et tendresse des femmes», auquel ont répondu une vingtaine de Tunisiennes de différents profils. Faire connaissance avec ces trois «artivistes» est une immersion dans un univers qui bouleverse les codes, réinvente le courage et la prise de parole, le tout sur un ton participatif. Le collectif a été formé suite à l'affaire du viol collectif de New Delhi de 2012, dont a été victime une jeune fille de 23 ans. Leur art pointe du doigt la culture du viol et la violence basée sur le genre. Et leur action se déploie autour d'une réponse artistique à la peur. Depuis l'Inde, elles vont désormais propager cette onde courageuse partout dans le monde. Des murs au Pakistan, au Liban, en Indonésie, entre autres pays, portent désormais l'empreinte collective d'un art engagé pour la liberté, qui donne la parole aux femmes, aux réfugiés et à l'humain en nous. Après une présentation de leur travail, le trio du Fearless collective entame le workshop qui précède la création, sur un mur à Tunis, d'une grande fresque appelée à être imaginée et réalisée par les participantes. Cette partie a eu lieu les 8 et 9 mai, à Dar Bach Hamba. Lumière tamisée, bougies et encens ont accompagné la prise de parole des femmes, sur le thème choisi pour l'escale tunisienne du collectif : «Rage et tendresse des femmes». Qu'est-ce qui vous enrage et qu'est-ce qui fait que cette rage se transforme en tendresse ? Une question à laquelle chacune a répondu. Des histoires personnelles, des témoignages sur d'autres vécus et beaucoup d'espoir ont jailli, de quoi donner de la couleur à un mur muet. Celui-ci a été offert par le 4ème art, du côté de la rue Garibaldi. En ce moment même et jusqu'au 21 mai, ces femmes transforment leurs paroles en un manifeste qu'elles ont écrit ensemble. Le workshop a en effet engendré une réflexion collective sur la forme que prendra la fresque, inspirée de toutes les histoires racontées dans l'ombre à Dar Bach Hamba, et qui ressortent à la lumière, «fearless», en plein Tunis.