Des pertes qui se chiffrent à des milliards de nos millimes et des garanties d'assurances qui ne couvrent pas les dégâts. Reportage. Au Cap Bon, les récentes pluies diluviennes n'ont épargné personne. Pauvres ou riches, établissements publics ou privés, PME ou usines, toutes les classes sociales ont subi la loi de cette catastrophe naturelle. A Nabeul, par exemple, le secteur de la santé avec ses appareillages électriques et informatisés, notamment celui du secteur privé, a été le plus touché. Nous parlons ici des cabinets d'imagerie et de radiologie situés dans l'hyper centre-ville où le niveau d'eau a atteint des records (3 m dans les caves et un mètre dans les rez-de chaussées-ndlr). Parmi les locaux les plus endommagés, on cite le cabinet de radiodiagnostic et d'imagerie médicale du Dr Olfa Ben Brahim-Mazlout, situé dans l'immeuble de la Jarre, et dont l'appareillage a été intégralement endommagé. Près de deux millions de dinars de pertes dans un seul cabinet C'est la cas, également, du Dr Maân Khalili qui nous a accueillis dans son centre d'imagerie et de radiologie où l'évaluation des pertes est aux alentours de « deux millions de dinars». En effet, en moins d'une heure, le samedi 22 septembre 2018, l'eau avait pénétré des fenêtres du sous-sol du cabinet pour atteindre le niveau du toit et submerger tous ses outils de travail: un scanner, une table télécommandée numérique (probablement l'unique exemplaire au Cap Bon), un mammographe, un ostéodensitomètre, trois bureaux de secrétariat, le bureau d'examen des radios et plusieurs ordinateurs. «J'ai fait appel à un huissier notaire pour établir le constat et j'ai déposé mon dossier au siège régional de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica). Malgré ce drame qui s'est abattu sur nous, on n'a pas baissé les bras. Dieu soit loué, mes deux échographes et ma table de radiologie ont été épargnés. Et on continue à assurer notre mission, avec une activité beaucoup plus réduite, en attendant les indemnisations de l'Etat», fait savoir Dr Khalili. «J'ai eu la visite de Mme Saloua Khiari, gouverneur de Nabeul, et de M. Samir Majoul, président de l'Utica, qui ont constaté les dégâts. En revanche, les agents d'assurance qui sont venus étaient un peu sceptiques du fait que notre contrat d'assurance ne couvrait pas les dégâts dus aux inondations. », ajoute-t-il. En effet, le directeur exécutif de la Fédération tunisienne des sociétés d'assurances (Ftusa), Kamel Chibani, avait mentionné dans une déclaration accordée à nos confrères de la TAP que « les personnes physiques ou morales ayant souscrit une assurance contre les catastrophes naturelles seront dédommagées » tout en rappelant que « les personnes physiques demeurent réticentes par rapport à ce type d'assurance, considéré comme étant une police d'assurance complémentaire dans les contrats d'assurances ». Les franchises ne couvrent que 15% du capital assuré Nous avons contacté M. Imed Daoud, gérant de GAT Assurances-Nabeul, qui nous a affirmé que l'indemnisation dépend des garanties incluses dans le contrat d'assurance contre les catastrophes. « Généralement, la garantie contre les catastrophes naturelles est annexe à la garantie contre les incendies, ce qu'on appelle les risques spéciaux. Par exemple: la rubrique Tempêtes-Ouragans-Cyclones. On n'indemnise les assurés contre les tempêtes que lorsqu'on reçoit un rapport de l'Institut national de météorologie qui confirme que ce jour-là, la vitesse du vent a dépassé les 100 km/h ou bien il y a une chute de grêle. », fait-il savoir. « En revanche, pour les inondations, c'est une garantie à part. Ainsi, pour les biens à usage professionnel, le montant de la franchise est égal à 15 % des dommages matériels directs avec un minimum de deux mille dinars. C'est-à-dire que le client prend à sa charge deux mille dinars et l'assureur indemnise la somme au delà de la somme fixée par la franchise et plafonnée à 15% du capital réel assuré. », précise-t-il. Un peu plus loin, au niveau de l'Avenue Habib Bourguiba, nous prenons contact avec Dr Mouna Miled-Boughzala, dont la pharmacie a été dévastée par les eaux torrentielles. « Dans le Cap Bon, plus de vingt pharmacies ont été sinistrées à des degrés différents, selon le Conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Nabeul. Et malgré le silence de l'Etat, je suis debout mais je suis marquée à vie , je me suis sentie comme une orpheline de l'Etat. », déclare Dr Miled-Boughzala. «J'ai tout perdu: des médicaments en pénurie, des antibiotiques, des produits de dermo-cosmétiques très chers, des seringues, des vaccins, de l'insuline, des boites de lait en poudre pour enfants, des produits sans gluten pour les malades atteints de la maladie cœliaque, etc. Tous les produits stockés dans le réfrigérateur ont été endommagés sans parler de mes ordinateurs, de mes imprimantes et des autres appareils électroniques, dont huit onduleurs. D'ailleurs, je viens tout juste d'acheter un nouveau frigo qui m'a coûté mille neuf cents dinars tunisiens. Au total, nous avons estimé nos pertes aux alentours de cent soixante dix mille dinars. J'ai fait appel aux services d'un huissier notaire et j'ai mandaté un avocat pour aviser les autorités judiciaires afin de dépêcher sur les lieux un expert. », renchérit-elle. Si la plupart des entreprises sinistrées ont repris du service dans un temps record comme c'est le cas du cabinet des docteurs Khalili, Ben Ibrahim-Mazlout et Miled-Boughzala, à Nabeul, une question demeure toujours sans réponse: pourquoi l'état de catastrophe naturelle n'a pas été décrété par le gouvernement tunisien? « On attend quoi pour désigner officiellement le Cap Bon comme région sinistrée? », s'interroge Dr. Mouna Miled-Boughzala?