«Ecoutons-les» de Slim Gomri, un film d'une grande sensibilité et sans fioritures, à appréhender et à entendre au second degré… Décidément, Slim Gomri n'arrête pas de nous surprendre ! Artiste visuel, incontestablement l'un des photographes les plus doués de sa génération, il s'est lancé cette année dans une nouvelle aventure artistique : la réalisation cinématographique. Coup réussi : son premier opus «Ecoutons-les» a été sélectionné dans la section «Regard sur le cinéma tunisien» dans cette 29e édition des Journées cinématographiques de Carthage. En plein dans le mille ! Le match de la finale de la Ligue des champions africaine entre les deux équipes emblématiques l'Espérance Sportive de Tunisie et El Ahly n'y a rien fait. Salle comble samedi dernier à la Cinémathèque de la Cité de la culture pour la première de ce court-métrage documentaire de vingt-cinq minutes, produit par Hichem Ben Ammar. Le public, jeune et moins jeune, a consenti le déplacement. Et il a eu bien raison. Un film léger comme l'air, frais comme un gardon, fort en symboliques… Avec sa caméra, entre interviews et répétitions, paroles et musique, Slim Gomri a saisi dans leur spontanéité les artistes de l'Orchestre tunisien des Jeunes du lycée pilote Bourguiba, un orchestre de musique de chambre. Un jeune, un instrument, une personnalité, un parcours, des prises de position et des attentes…C'est «Ecoutons-les». Les premiers plans sont très plastiques et se donnent à voir comme des photographies d'art. Les flaques d'eau ornées des feuilles d'automne reflètent le drapeau tunisien flottant au-dessus de la cours ; les gris de l'asphalte se mélange à celui du ciel. D'emblée, l'empreinte de Slim Gomri, l'artiste visuel, est bien présente. Avec en toile de fond l'architecture du mythique lycée Bourguiba, alternant plans américains, plans rapprochés et gros plans, induisant des rapports positif/négatif à travers l'opposition clos/ouvert de l'espace (les couloirs, la cours, la salle des répétitions et la bibliothèque), le réalisateur a invité ces jeunes élites à s'exprimer, à se confier. De la musique à la politique, ils se sont bien adonnés au jeu, avec aisance et parfois même avec humour. Les conditions de création de l'orchestre à peine âgé de trois ans, leur déclic, les difficultés qu'ils ont rencontré, leur passion… ils ont tout dit. Le 14 janvier 2010 ? D'un «jour ordinaire» à une «belle catastrophe», les avis diffèrent. Le présent ? Un consensus autour l'instabilité politique et économique, une inquiétude évidente et un certain désenchantement. L'avenir ? Des rêves et plein d'attentes dans cette phase critique et une réalité malgré tout maussade. De celui qui veut quitter le pays et vivre de sa passion, même en SDF, à celle qui exprime son attachement indéfectible à cette Tunisie qui lui a tout donné, les projections ne sont pas unes. Au-delà du premier degré, des messages forts à décoder et des leçons à retenir. Avec «Ecoutons-les», le réalisateur a capté, avec une grande subtilité, des fragments de vies d'une jeunesse tunisienne rarement médiatisée, une énergie. Il nous a offert un film d'une grande sensibilité et sans fioritures, à appréhender et à entendre au second degré. Un film où il dévoile également son engagement citoyen peu connu du grand public. Slim Gomri, un artiste visuel confirmé à ne plus présenter, un réalisateur à suivre de très près…