Du 12 au 14 novembre s'est tenu au siège de l'Unesco à Paris le Forum sur la gouvernance de l'internet (IGF). Une rencontre internationale sous l'égide de l'ONU et placée sous le signe de «l'internet de confiance» Parallèlement à la tenue dans la capitale française du Forum de Paris sur la paix, qui a vu la participation d'une soixantaine de chefs d'Etats et de gouvernement, dont le président Béji Caïd Essebsi, la Ville Lumière a abrité le Forum sur la gouvernance de l'internet (IGF). Les deux événements traitent au fond de la même thématique. Si la réunion des chefs d'Etat a abordé les questions du multilatéralisme et du développement des relations internationales pacifiées à travers la Toile, le second sommet s'est penché sur la mise en place de normes partagées en matière d'internet. Car les guerres aujourd'hui se conçoivent autrement. Plus besoin de chars, ni d'avions de chasse. D'un simple clic, on peut espionner ou déstabiliser les fleurons de l'industrie d'un pays ennemi. Il devient également possible via cet outil où évolue une dangereuse cybercriminalité de s'ingérer dans les campagnes électorales, de radicaliser des jeunes, de propager des fake news et des discours de haine. L'intimidation en ligne, l'usurpation d'identité, le vol de la propriété intellectuelle et la pornographie infantile sont d'autres pratiques délétères et condamnées par la plupart des intervenants à l'IGF, représentants des Etats, organisations non gouvernementales et fournisseurs de services sur le Net. Pour la France notamment, pays hôte du Forum, il est plus que temps de mettre un peu d'ordre dans la planète des réseaux. L'Appel de Paris C'est ce qu'a affirmé en tout cas Emmanuel Macron, président de la République française, dans son intervention lundi 12 novembre à l'ouverture de l'IGF, un événement qui a rassemblé, autour de débats et d'ateliers de réflexion plus que trois mille acteurs. «Les ennemis de la démocratie ont profité des règles libertaires d'internet pour propager des discours de haine terroriste, raciste ou sexiste qui balkanisent nos sociétés», a insisté Emmanuel Macron dans le grand auditorium de l'Unesco. Il a par ailleurs révélé une partie du contenu de l'«Appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace». Une sorte de traité de paix en matière de réseaux qui limite les piratages, l‘utilisation d'outils malveillants et les stratégies de déstabilisation sur le Net. Le texte appelle les Etats et les fournisseurs d'accès sur le Net à s'engager pour bannir les armes numériques et les logiciels d'espionnage. Il les incite également à condamner les ingérences électorales. Près de 370 entreprises (dont Microsoft, Facebook, Google, Samsung, Siemens et Cisko), Etats et ONG ont signé cet accord. Un équilibre à trouver Mais dans les discussions, plusieurs interrogations ont été soulevées : la régulation d'Internet peut-elle mettre en danger la liberté d'expression ? Les outils de sélection et de filtrage sur lesquels travaillent plusieurs entreprises mis entre les mains de pays autoritaires ne vont-ils pas entraîner censure et réduction du champ de la Toile ? Pourquoi se focaliser sur les réseaux alors que les discours de haine sont présents dans d'autres espaces d'expression ? L'équilibre à trouver entre la liberté et la régulation semble toujours difficile. Pour le Français David Martinon, ambassadeur des affaires digitales, cet équilibre pourrait être atteint si on impliquait la société civile dans la mise en place des codes éthiques d'Internet, qui peuvent varier d'une région et d'une culture à l'autre. «Le processus ne peut qu'être inclusif», insiste-t-il. Si le réseau des réseaux est porteur du pire, il peut également générer le meilleur. «En effet, l'intelligence artificielle, la pérennisation d'une société numérique inclusive et égalitaire, le partage du savoir, la convergence entre transformations écologiques et numériques sont des défis auxquels nous devons collectivement nous atteler dès aujourd'hui», assure de son côté Salwa Toko, fondatrice d'une association française œuvrant pour la parité dans le numérique.