Rarement sur scène, esprit et corps ont été aussi indissociables. La création algérienne intitulée «Erakch» d'Ahmed Khamis a été jouée à l'espace CinéMadart. Une œuvre qui fourmille de trouvailles esthétiques et rappelle que l'âme et l'esprit sont façonnés par le corps. Avant d'être façonnés par la société et l'entourage immédiat, l'âme et l'esprit sont façonnés par le corps. En effet, cet appareil complexe, qui fait de tout un chacun une sorte de cyborg organique, se révèle à l'esprit à travers des gestes tout en dévoilant ses capacités mais aussi ses limites. Les amoureux du théâtre et surtout de la danse contemporaine étaient aux anges en assistant à ce festival de lumières, de couleurs, de mouvements et de postures mis en scène par l'artiste algérien Ahmed Khamis. Une scénographie dynamique, inventive qui n'est pas sans rappeler une pratique prisée dans l'art islamique qu'est l'enluminure. Pratique également affectionnée en Europe occidentale au Moyen Age, mais aussi en Perse, dans l'empire byzantin, en Inde et même au Japon et dans l'Amérique précolombienne. Il s'agit ni plus ni moins d'une peinture ou un dessin exécuté à la main qui décore ou illustre un texte, généralement un manuscrit. Tel un poète jouant avec ses mots, ou un joueur d'échecs patient et téméraire, le chorégraphe Ahmed Khamis place et replace ses pions sur la scène du CinéMadart. Une dizaine d'hommes autour d'une seule femme qui offrent à nos sens (principalement la vue et l'ouïe mais pas que...) un véritable voyage. Lumière et costume éblouissent les yeux et l'espace scénique et l'on comprend alors pourquoi le précèdent spectacle d'Ahmed Khamis, «Le voyage de poussière», a rencontré un énorme succès en Algérie. Le spectateur devient une sorte de derviche tourneur face à tant de sensualité, face à ce rythme enivrant, face à cette musique familière qui donne naissance à des pas de danse qui paraissent aux premiers abords spontanés. Danseurs qui se retrouvent, se séparent, se chamaillent, tombent amoureux, se chamaillent à nouveau pour ne plus se quitter... En somme comme le chantait Jeanne Moreau dans ce film de François Truffaut intitulé «Jules et Jim», l'existence c'est... «Le tourbillon de la vie».