De Shakespeare, on a pris la trame, les personnages et l'intrigue, de Barthes, la réflexion, le langage et le discours pour construire un ensemble qui s'exprime en arabe littéraire, se place dans la modernité sans pour autant rompre avec ce rapport classique à la scène. La Troupe de la Ville de Tunis a présenté mardi soir au Théâtre municipal «Songe d'une nuit d'été», une adaptation libre, écrite et mise en scène par Mohamed Mokhtar Louzir. Cette œuvre écrite en 1600 par William Shakespeare a été mise au goût du jour par le metteur en scène grâce à un joli mix avec un autre texte plus actuel, celui de Roland Barthes «Fragments d'un discours amoureux». La magie du théâtre et le savoir-faire de Mokhtar Louzir ont permis de jeter un pont entre les siècles et de raccourcir les chemins entre deux époques différentes et lointaines. De Shakespeare à Barthes, Mokhtar Louzir a réussi à nous communiquer le propos de celui qui sait user des techniques du masque, du déguisement et de la Comedia del Arte pour recréer cet imbriquement peu évident. Et c'est avec une mise en abyme du théâtre que le metteur en scène nous montre une piste de lecture et des indices à la compréhension de sa démarche. Déjà le texte de Shakespeare est une évocation d'une époque encore plus lointaine — la Grèce antique —, il traite des rapports amoureux, de la pression familiale, du pouvoir du patriarcat, à travers l'histoire de deux couples de jeunes amants : Lysandre et Hermia d'une part, Démétrius et Héléna d'autre part. Hermia veut épouser Lysandre mais son père, Egée, la destine à Démétrius, dont est amoureuse Héléna. Lysandre et Hermia s'enfuient dans la forêt, poursuivis par Démétrius, lui-même poursuivi par Héléna… Pour donner encore plus d'étoffe au texte shakespearien, Louzir fait appel à Barthes et, grâce à lui, il offre à la pièce une seconde lecture et un ton plus actuel. Car «Fragments d'un discours amoureux» est une combinaison entre la propre réflexion de Barthes, ses lectures et ses propres expériences et parfois à des discussions privées pour former un discours sur la sphère amoureuse. Cet essai est une proposition de cheminements et d'explorations qui peuvent expliquer ou du moins éclairer toute expérience de l'amour en relation avec le langage. De Shakespeare, on a pris la trame, les personnages et l'intrigue, de Barthes, la réflexion, le langage et le discours pour construire un ensemble qui s'exprime en arabe littéraire, se place dans la modernité et s'inspire d'un rapport classique à la scène. «Songe d'une nuit d'été» est un beau retour aux sources avec un répertoire classique qui reste inépuisable et qui ne cesse de s'enrichir avec des expériences aussi courageuses que hasardeuses que celle entreprise par Mohamed Mokhtar Louzir.