Le rapport de la Cour des comptes n'est pas à considérer comme une invective contre telle ou telle institution. Il s'agit d'un travail d'orfèvre de plusieurs mois, pendant lesquels les magistrats de la Cour des comptes épluchent des centaines et des centaines de documents et, surtout, s'en tiennent exclusivement aux faits, rien qu'aux faits. Ce n'est donc pas en intervenant sur une radio privée ou en publiant "un démenti" que l'on peut répondre aux observations de la Cour des comptes. Alors que la Cour des comptes présentait hier en conférence de presse son 31e rapport, certains responsables d'entreprises publiques se sont précipités vers les médias pour s'expliquer, de la manière la plus appropriée qui soit, pour répondre aux différentes observations de la Cour. La manière est inappropriée d'abord, parce qu'elle remet en cause l'une des institutions les plus utiles en démocratie, composée de magistrats compétents. Le rapport de la Cour des comptes n'est pas à considérer comme une vulgaire invective contre telle ou telle institution. Il s'agit d'un travail d'orfèvre de plusieurs mois, pendant lequel les magistrats de la Cour des comptes épluchent des centaines et des centaines de documents et, surtout, s'en tiennent exclusivement aux faits, rien qu'aux faits. Ce n'est donc pas en intervenant sur une radio privée ou en publiant "un démenti" que l'on peut répondre aux observations de la Cour des comptes. Ensuite, pourquoi choisir "une réponse médiatique", lorsque la Cour des comptes permet à l'ensemble des entreprises, collectivités locales et autres organismes cités dans le rapport de fournir "une réponse institutionnelle". En effet, lorsque la Cour parvient à des conclusions négatives sur la gestion d'une entreprise publique, elle l'informe et lui accorde pas moins de deux mois pour formuler une réponse. "Si ces réponses sont satisfaisantes, bien évidemment nous retirons nos remarques, explique Nejib Ktari, premier président de la Cour des comptes. Si les réponses ne sont pas convaincantes, nous publions nos remarques, avec la réponse en annexe". Dans le cas de Tunisair, l'entreprise a répondu à la Cour des comptes et cette dernière a publié ses réponses. Mais les conclusions de la Cour sur la gestion de la flotte de Tunisair sont sans appel. A titre d'exemple, l'entreprise, en 2012 et 2017, a acheté, en urgence, beaucoup de pièces de rechange à des prix exorbitants allant jusqu'à 188% de leur valeur réelle. C'est une sorte de mauvaise gestion, pointée du doigt par la Cour. Mais ce sont les remarques d'ordre technique qui ont finalement fait réagir le président-directeur général de Tunisair, Elyes Mnakbi. "Des autorisations de décollage ont été accordées avec plus de 5 pannes sur le même vol", voilà ce qui dérange la Cour des comptes qui explique que ces pannes avaient engendré des accidents dans d'autres compagnies aériennes. Selon Elyes Mnakbi, la Cour des comptes n'est pas du tout habilitée à juger des questions techniques. Il va même jusqu'à l'accuser de porter atteinte à l'image et à la réputation de la compagnie. Mais Elyes Mnakbi oublie que l'image de la compagnie a depuis déjà quelque temps pris un sérieux coup. Des retards à répétition, une entreprise en sureffectif, et, en prime, un énorme déficit. Ce n'est certainement pas le rôle de la Cour des comptes de veiller à l'image d'une entreprise publique, ce rôle revient exclusivement à celles et ceux qui en tiennent la direction. La Cour des comptes a publié dans son rapport une bonne quinzaine d'observations. Chercher à faire tasser l'agitation médiatique ne servira à rien, mieux vaut redresser la barre et mettre un terme à une gestion chaotique de la compagnie nationale.