Par Khaled TEBOURBI Un blog (de Huff Post) s'en prend cette semaine a l'humour et aux humoristes de la télé. Discours passéiste ? Propos de «has been» ? Non : l'auteure (Sarah Ben Ali)est une jeune juriste en droit international, étudiante en journalisme, de surcroît. Exit, donc, le conflit des générations. Mais, en lieu et place, une description pertinente, et un argumentaire difficile à réfuter. L'attaque ne mâche pas ses mots : «excès de zèle» «blagues de mauvais goût». Mais encore, haro sur les contenus : «misogynie, homophobie, transphobie, racisme, agisme, validisme, régionalisme». On se rassure, néanmoins. Vient, vite, le tour des questions, des questionnements. De la culture, à vrai dire. Le tour des choses sérieuses. C'est ce qui intéresse, c'est ce qui retient vraiment. Pourquoi d'abord (surtout) nos humoristes «font-ils fausse route» ? La«blogueuse» invoque la récidive, le fait que les sketchs se répètent, les mêmes, à chaque fois, et elle se demande si «ces artistes ne mettent pas leur talent au service d'un dogme, et si leur humour n'est autre qu'une intolérance pas tout à fait assumée». Et de poursuivre : «Le problème avec ces humoristes, c'est qu'ils détiennent une arme dont ils n'ont peut-être pas conscience». Entendre que, sans le savoir, «sous couvert de l'humour noir, du cynisme et du second degré», ils sont en train de perpétuer les traditions oppressives du patriarcat et de la discrimination : moquer les pauvres, les minorités, les handicapés, prendre (tortueusement) le parti des forts et des nantis. La conclusion nous plaît. Nous y insistons tout le temps. Utile, hélas ignorée : ces situations comiques (ces exhibitions télés) font, finalement, de ces humoristes «des pions incultes et traditionnalistes, au lieu d'artistes subversifs et révolutionnaires». Inculture, c'est le danger que colportent les professionnels de l'humour aujourd'hui. Ils en sont peut-être un peu victimes, mais des millions de téléspectateurs, de citoyens lambda, en sont les cibles au quotidien, crédules, encore plus abrutis, profondément atteints, irrémédiablement touchés. Inculture aussi (autre grand danger) véhiculée par les institutions. Par la télévision, elle-même, tout entière, publique ou privée, dont les programmes demeurent ou «hors de contrôle», ou, pis, totalement coupés des politiques de culture et d'éducation. Que ne le reproche-t-on pas assez ? A quoi sert-il de se gausser de lieux de culture, de festivals et d'écoles de prestige quand des dizaines de radios et de télés fonctionnent «au plus bas», à l'envers, à contre-courant ? La culture et l'éducation nationales ne se mesurent pas à la seule élite d'un pays, mais au niveau culturel et éducatif de toute une nation. Par les pratiques politiques, enfin. L'opportunisme et le populisme en premier. L'histoire enseigne que les peuples n'ont en jamais «récolté» qu'ignorance et duperie. Et des «apprentis dictateurs», parfois. Gardons-nous en bien.