Inaugurée le 14 janvier au Musée national du Bardo, l'exposition «Instant tunisien» ressuscite les moments clés des bouleversements politiques d'il y a huit ans. Intense et dense. «C'est la première révolution numérique au monde», ont attesté de nombreux historiens en parlant des événements du 14 janvier 2011, les faits qui les ont précédés et les jours d'après. L'exposition sur les 29 jours de révolution (17 décembre-14 janvier), qui s'est ouverte avant-hier au musée national du Bardo le démontre bien. Son corpus ? Des vidéos tournées par des blogueurs, des journalistes citoyens et des passants lambda, des images prises au hasard des manifestations et des mobilisations sociales, des posts facebook, des caricatures, des bribes d'émission TV, des slogans, des chansons… Un matériau d'une grande portée émotionnelle et d'une intensité quasi dramatique. Mais un matériau fragile, périssable et transformable à souhait. D'où l'idée née en 2016 provenant d'un collectif d'universitaires, de le sauvegarder en premier lieu puis de le développer et de l'enrichir en allant à la recherche d'autres sources et d'autres témoignages sur ces journées de révolution. Résultat : un fonds documentaire de ces archives est né et se trouve actuellement aux Archives Nationales. Contre l'oubli L'exposition, elle, restitue, dans une démarche pédagogique, qui s'insurge contre l'oubli et l'amnésie ambiante et volontaire, les dates clés de la Révolution évoquées en huit temps forts : «Sidi Bouzid Brûle», «L'Intifadha», «Entrée en scène des avocats et du syndicat de l'enseignement secondaire», «Le soulèvement de Kasserine et le front de Thala», «Le cyber-affrontement», «La mobilisation de Sfax», «La capitale s'insurge», «14-Janvier, Ben Ali Hrab». Un grand panneau explique, par la suite, les autres bouleversements qui ont accompagné ce grand séisme qu'est la fuite de Ben Ali, le 14 janvier vers 18h00, en Arabie Saoudite. De la prise du pouvoir de Mohamed Ghannouchi, passant par la Kasbah I et II, en arrivant à l'Instance Ben Achour et aux élections d'octobre 2011, la Tunisie a connu une inédite accélération de l'Histoire. Le parcours de l'exposition est jalonné par des box, comme des tiroirs d'archives, qui restituent les bruits et clameurs de la Révolution. Il revient sur les cris de protestation et de colère de cette population à travers les divers coins de la République : «L'emploi est un droit, bande de voleurs», «Travail, liberté, dignité nationale», «Ministère de l'Intérieur, ministère de la terreur», «Nous sommes tous Sidi Bouzid», «Nous tenons à l'embauche des chômeurs», «Pain et eau et Ben Ali Non»…Mais aussi sur les annonces des médias à travers le monde, Chine, Russie, Etats-Unis, Italie, Liban… Alors que la contagion de la colère a atteint tous les coins du pays, la Tunisie fait la une des médias à l'international. Un contenu scientifique, et vérifié par un pôle d'historiens et d'archivistes, très dense et des supports diversifiés font de ce travail de groupe au long cours un moment de réflexion et d'émotion, qui rappelle aux Tunisiens à quel point ils ont été unis pendant l'instant révolutionnaire. Une cohésion qui s'est évanouie avec le temps des politiques et des choix partisans. La ressusciter est un plaisir toujours renouvelé.