Résiliente, Carte assurances consolide ses indicateurs de performance en 2023    La réunion consultative entre la Tunisie, l'Algérie et la Libye se tient le 22 avril    Washington | Paolo Gentiloni réitère l'engagement de l'UE à soutenir la Tunisie dans ses programmes de réforme    La Révolution écologique, imposée par un décret et des sanctions : Tri sélectif pour tous    En soutien à leur directrice, les élèves du collège d'Ennasr continuent de boycotter les cours    Kasserine : Le camion ne leur laisse aucune chance, 4 morts et 7 blessés    Adhésion de la Palestine à l'ONU : La Tunisie regrette le nouvel échec du Conseil de sécurité    Marchés africains : Les exportateurs tunisiens peuvent compter sur la Douane, son patron s'engage    Classement des pays les plus endettés par rapport à leur PIB en 2023    Le comité de défense des détenus politiques appelle à respecter les délais de détention provisoire    France : Le deuxième imam expulsé en moins de 24h pour ses propos sur les Juifs, un Algérien, mais il y a un os…    La Tunisie s'illustre dans la consommation de café : Classements mondiaux    Visite de la Ministre Leila Chikhaoui à Zaghouan    68e anniversaire de la tunisification des forces de sécurité intérieure : Défendre corps et âme la Tunisie    38e édition de la Foire internationale du livre de Tunis : Kaïs Saïed inaugure la Foire du livre et évoque la politique culturelle et éducative au cœur du projet républicain    Plénière inaugurale du Conseil National des Districts et des Régions : Imed Derbali élu président de la nouvelle Chambre haute    Ministère des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens de l'étranger : «Le vote des membres du Conseil de sécurité dévoile les responsabilités de toutes les parties dans la violation des droits légitimes et inaliénables du peuple palestinien»    Tunisie-Etats-Unis Entraînement conjoint tuniso-américain    Tunisie-Chine : La société chinoise chargée de réaliser la laverie de phosphate d'Oum Lakhcheb en visite en Tunisie    Registre national des entreprises-Ministère de l'Emploi et de la solidarité sociale du Québec : Signature d'un protocole d'entente entre la Tunisie et le Québec pour la facilitation des échanges    Transport terrestre en commun : Digitalisation et équipements attendus en renfort    Pourquoi | Assez d'insouciance !    Aujourd'hui à Kairouan : Premier festival des roses    "Namaa Tounes" : L'ancien compère de Ghannouchi devant la Chambre criminelle    Lancement de «Cinematdour» : Le beau rêve du cinéma ambulant !    Nouveau pont de Bizerte : Les entrepreneurs tunisiens carburent et assurent, pas comme au stade d'El Menzah    Volley – Un nouveau bureau fédéral élu : Bon vent!    Play-out compliqué pour l'USBG : Sortir la tête de l'eau    Médina de Tunis-Hammams traditionnels et multiséculaires : Menacés de disparition    Retrait annoncé des troupes américaines du Niger    Les familles des détenus politiques empêchés, de nouveau, d'approcher de la prison de la Mornaguia    Classement des pays producteurs d'or en 2022    La Tunisie abrite l'exercice militaire conjoint « African Lion 2024 »    L'acteur égyptien Salah El Saadany est décédé à l'âge de 81 ans    12 candidats à la présidence du Conseil national des régions et des districts    Augmentation de 10,7% de la production de poulet de chair    Le gouverneur de la BCT s'entretient avec des investisseurs sur les marchés financiers internationaux    Reprise progressive du trafic à l'aéroport de Dubaï    Le livre 'Les Italiens de Tunisie' de Gabriele Montalbano présenté à la librairie Al Kitab Mutuelleville    Kais Saied inaugure la Foire internationale du livre de Tunis    Abdelaziz Kacem: À la recherche d'un humanisme perdu    Une nouvelle injustice entache l'histoire de l'ONU : Le Conseil de sécurité échoue à adopter une résolution demandant la pleine adhésion de l'Etat de Palestine    Météo en Tunisie : Vent fort et températures en baisse    CSS : La coupe pour se requinquer    Aujourd'hui, ouverture de la 38e Foire nationale du livre de Tunis    Situation globale à 9h suite la confirmation d'Israël des frappes sur le sol iranien    Stuttgart : Ons Jabeur éliminée en huitièmes de finale    La Juventus condamnée à payer près de 10 millions d'euros à Cristiano Ronaldo    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Ces grèves qui ne chôment pas
De l'histoire des mouvements sociaux en Tunisie
Publié dans La Presse de Tunisie le 18 - 01 - 2019

Volumineux est le livre de l'histoire des grèves générales observées par les salariés et aussi celles de l'ensemble de la population. Hier encore, fonctionnaires et salariés du secteur public étaient en grève et l'ensemble du peuple tunisien, y compris ceux qui le gouvernent, ont retenu leur souffle, craignant que l'événement ne dégénère
La Tunisie a connu les grèves, avec leurs multiples variantes à partir du début du siècle dernier. Grèves sectorielles, régionales, nationales, générales et autres. Généralement déclenchées et conduites par les syndicalistes.
Elles peuvent parfois émaner de partis politiques et être observées pour soutenir des peuples frères et amis vivant sous l'oppression, telle que celle décrétée le 20 novembre 1937 pour soutenir les peuples algérien et marocain dans leur lutte contre l'occupation.
Plusieurs d'entre elles sont entrées dans la grande histoire, car ayant eu de graves conséquences ou ayant débouché sur d'autres événements décisifs pour l'histoire du pays.
Nous citerons la grève des dockers du port de Tunis et ceux de Bizerte en août 1924. La répression sanglante des grèves des dockers de Bizerte en septembre (deux morts et plusieurs blesses) donnera un coup de pouce au mouvement de création des syndicats, qui trouva en M'hamed Ali son leader.
Nous citerons aussi la grève générale décrétée, les 4 et 5 août 1947, par l'Union générale tunisienne du travail (la fameuse Ugtt, fondée par Farhat Hached, le 20 janvier 1946) qui, surtout à Sfax, a été réprimée, le 5 août par les autorités coloniales dans le sang (30 martyrs et plus de 150 blessés)
La répression sanglante, par les autorités coloniales le 20 novembre 1950 de la grève des travailleurs agricoles à Enfidha (cinq martyrs et 10 blessés), et plusieurs autres facteurs politiques a conduit les organisations nationales à décréter, le 29 novembre 1951, une grève générale.
Celle-ci a participé d'une manière décisive au déclenchement des événements de janvier 1952 ayant provoqué l'insurrection du peuple tunisien contre l'occupation française. Mouvement qui a ouvert la voie au processus de décolonisation.
La même année et suite à l'assassinat, le 5 décembre, du leader national et syndical Farhat Hached, le peuple tunisien observa une grève générale.
Nous citerons également la grève générale des enseignants du secondaire, en 1975. La première depuis l'indépendance du pays. Un mouvement qui a été une grande réussite ayant abouti à la concrétisation de la plupart des revendications des grévistes, mais aussi à la répression qu'ont subie les dirigeants du syndicat national de l'enseignement secondaire.
La journée du 26 janvier 1978, restera sans doute celle qui a fait le plus couler de sang des Tunisiens par des armes tunisiennes. Une grève générale qui a dégénéré en un soulèvement des jeunes marginalisés
Le 14 janvier 2011, l'Ugtt décréta une grève générale afin de protester contre le comportement violent et répressif (plusieurs morts) du pouvoir en place, suite au soulèvement populaire déclenché à partir du 17 décembre 2010. Une grande partie de la société civile soutiendra cette décision.
Un vendredi qui restera à jamais gravé dans la mémoire collective de notre peuple puisque les événements ayant accompagné ladite grève ont contribué à mettre fin à plus d'un demi-siècle de dictature et marqué ainsi un grand tournant dans l'histoire du pays.
Le 8 février 2013, le pays en entier était en grève suite à l'assassinat, l'avant-veille, du martyr Chokri Belaïd, l'un des leaders de la gauche les plus influents. L'ensemble du peuple avait suite à cet acte lâche exprimé sa colère contre ce crime odieux
Un jeudi rouge, de sang
Dans l'histoire de la Tunisie indépendante, le 26 janvier 1978, décrétée journée de grève générale par l'Ugtt sera désormais appelé le « jeudi noir ». Le sang tunisien coula, en effet, à flots par des armes… tunisiennes, surtout à Tunis, et l'état d'urgence fut décrété.
Il s'agissait, en fait du choc violent fruit de tout un conflit larvé.
Celui qui opposait le PSD (Parti socialiste destourien) le parti- Etat de Bourguiba sous l'emprise de plusieurs de ses faucons, d'un côté, et l'Ugtt, renforcée par une élite universitaire progressiste, de l'autre, auquel s'est mêlée une bonne frange de mécontents, d'opposants bâillonnés, de militants harcelés et surtout un peuple méprisé humilié, voire castré.
D'un côté, un Premier ministre plutôt technocrate, Hédi Nouira, aux prises avec une première dame, Wassila, qui veut gouverner à sa place, de l'autre, un leader syndicaliste, bourguibiste pur et dur, non dépourvu d'ambitions, Habib Achour. D'un côté, un parti unique qui voulait tout contrôler, jusque dans les entreprises économiques, de l'autre un syndicat fort, jaloux de son indépendance. Mais pour le régime en place, les événements étaient le fruit d'un complot fomenté par les syndicalistes, planifié et conduit par eux. Une version qui n'a pu résister longtemps aux faits historiques, même si certains agissements de Habib Achour y étaient pour quelque chose.
Ce dernier, alors membre du bureau politique de PSD, avait pris certaines décisions qui avaient provoqué la colère des caciques du régime.
Parmi elles, un rapprochement, mal vu, avec Kaddafi, le leader libyen, qui en voulait à mort à Nouira, accusé d'avoir fait avorter l'union entre la Tunisie et la Libye, contractée le 12 janvier 1974 à Djerba.
La position de Wassila aidant, Hédi Nouira, assailli de toutes parts par les problèmes budgétaires, une mauvaise pluviométrie, un client européen en difficulté et des grèves en cascades, se retrouva à la merci des faucons du parti. Ces derniers avaient pris l'habitude de réprimer toute expression de mécontentement par la force. Ce qui envenimait à outrance les relations au sein du régime et entre le régime et les autres composantes du peuple.
Le 10 octobre 1977, une grève à Ksar Hellal (Monastir), grand pôle du textile, tourna mal. A Moknine, lacalité voisine, des ouvriers voulurent soutenir leurs camarades en grève et le poste de police fut saccagé, les agents tirèrent sur la foule et blessèrent plusieurs personnes. Ksar Helal, alors, s'enflamma. Cinq jours de colère et de violence qui nécessitèrent l'envoi de l'armée pour y rétablir l'ordre.
L'information selon laquelle l'un des hommes de main du parti avait menacé, début novembre, d'assassiner le chef de la centrale syndicale provoqua, elle aussi, la colère des syndicalistes qui l'exprimèrent à coups de grèves aidés en cela par les tergiversations du gouvernement quant à l'application des accords concernant les augmentations salariales.
Le PSD réagira en attaquant grâce à ses milices les locaux des syndicats dans les régions.
Entretemps, la relation entre Nouira et Tahar Belkhoja, ministre de l'Intérieur et fidèle de Wassila, entra dans une impasse. Bourguiba finira par limoger ce dernier, le 23 décembre 1977 et placera Abdallah Farhat, son ministre de la Défense, à la tête de l'Intérieur, par intérim. Ce qui provoqua la démission, en bloc, de cinq ministres dont celui de l'Economie.
Le 8 janvier 1978, Habib Achour annonça sa démission du bureau politique du PSD et l'Ugtt cria haut et fort son autonomie en tant qu'organisation nationale.
Une campagne de presse se déclencha aussitôt contre les syndicalistes et le 22 janvier la centrale syndicale adopta le principe de la grève générale, qui sera fixée enfin au 26 janvier. A la veille de cette date qui entrera dans l'histoire de la Tunisie, les observateurs relevèrent les signes d'un choc violent, surtout en constatant les renforts sécuritaires autour des bâtiments publics et près des points névralgiques au sein des grandes villes.
Une grève ayant très mal tourné
Ce jour-là, les petits payèrent pour les grands qui, eux, avaient perdu la raison. Une journée qui s'est rapidement transformée en un soulèvement violent des jeunes, surtout ceux qui se sentaient marginalisés.
Le pouvoir répondit par les armes et mêla l'Armée nationale à cette tragédie au cours de laquelle des centaines de Tunisiens trouvèrent la mort par balles réelles.
Cinquante et un Tunisiens périrent à la suite de ces affrontements et 400 s'en tirèrent avec des blessures plus ou moins graves, selon le bilan officiel (40 morts le 26 et 11 les jours suivants). «1.200 morts et un nombre considérable de blessés» selon un bilan publié, en 2011 par Béchir Turki, un ancien officier supérieur de l'Armée nationale.
«200 morts, au moins et 1.000 blessés», selon le Pr. Mohsen Toumi (La Tunisie de Bourguiba à Ben Ali) - PUF - Paris 1989 - p.155). Et de préciser que les chiffres qu'il a avancés étaient en deçà de la réalité. Quant aux victimes, elles n'appartenaient pas pour la plupart «au monde syndical. Il s'agissait plutôt de jeunes chômeurs, de ruraux marginalisés et parfois de simples passants ou des commerçants qui n'avaient pas eu le temps de fermer boutique »
A Carthage, Bourguiba n'avait rien compris ou presque de ce qui se passait, ce jour-là. Tout ce qu'il savait c'est qu'il avait signé le décret imposant à l'armée d'intervenir puis, vers la fin de l'après-midi, celui qui imposait un couvre-feu de 18h00 à 5h00.
Ce qu'il n'a sans doute pas su et l'écrasante majorité des Tunisiens non plus, c'est que ce jour-là, Zine El Abidine Ben Ali (colonel, à l'époque) qui venait il y a quelques jours d'être nommé à la tête de la Sûreté nationale, joua un rôle des plus criminels.
Selon des témoignages publiés après le 14 janvier 2011, Ben Ali, premier militaire à occuper ce poste très délicat, a été vu au cours des événements du 26 janvier 1978 en train de mitrailler les émeutiers à partir d'un hélicoptère.
Il avait ainsi saisi l'occasion de plonger ses racines dans la sphère de la décision, proposé à ce poste par son mentor Abdallah Farhat, ministre de la Défense nationale, alors ministre de l'Intérieur par intérim.
«Qui est donc responsable de l'affreux carnage ? Qui a donné l'ordre de tirer ? Et qui a exécuté l'ordre ?», écrit Béchir Turki (Ben Ali, le ripou. -op.cit p. 37). Et de répondre: «Ils sont deux : le directeur général de la Sûreté nationale, le colonel Ben Ali dans l'acte, puis le général Abdelhamid Cheikh, dans l'acte II».
Quant à l'auteur de l'ordre, il est pour notre même source, le ministre de la Défense de l'époque Abdallah Farhat qui «a consulté le chef de l'Etat. Bourguiba, très diminué, a laissé faire. «Réglez la situation au mieux !», s'était-il contenté de lui répondre» (op. cit p.38).
Des crimes restés à ce jour impunis.
Bon nombre de dirigeants syndicalistes durent payer cher la facture, parfois très chère, comme c'est le cas de Houcine El Kouki qui, lui, mourut sous la torture à la… Sûreté nationale. Habib Achour, le chef de l'Ugtt, fut condamné, quant à lui, à 10 ans de travaux forcés. Le reste des inculpés à des peines variables.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.