Tous les péchés originels de la crise sociale doivent, aujourd'hui, être assumés par toutes les forces politiques et sociales du pays comme des erreurs de jeunesse communes qu'il faut corriger la main dans la main. Et non pas faire l'objet d'une mémoire sélective qui met en position de coupable un gouvernement qui milite pour dégager le pays du dilettantisme et qui se bat pour rétablir notre crédibilité La grève des fonctionnaires publics à laquelle se sont joints les employés des entreprises d'Etat a montré, jeudi, que la Tunisie est entrée dans une ère nouvelle de démocratie tolérante effective qui gère les différences et les divergences en évitant les heurts et en tournant le dos à l'agressivité et au cercle infernal des provocations. Malgré, certaines fois, un recours à des formules peu courtoises de la part de syndicalistes zélés, le déroulement de la grève et sa couverture par les médias ont su contourner les tensions et dérapages, donnant l'image d'un pays civilisé maîtrisant parfaitement ses débats et ses crises. Et ce, malgré un malheureux épisode enregistré la veille à l'Assemblée, qui avait semblé, un moment, augurer ou préparer, à l'initiative d'un député de gauche, ancien syndicaliste, une descente aux enfers de la violence que les différents protagonistes ont réussi à désamorcer. Gagnant-gagnant ou perdant-perdant ? La formule à la mode « gagnant-gagnant » pourrait bien ainsi qualifier cette journée de farniente et de slogans maximalistes à l'égard du gouvernement, dans la mesure où les ego des deux parties en négociation ont été préservés. Mais s'agissant des coûts financiers, donc économiques et sociaux, les experts les estiment à une cinquantaine de millions de dinars si l'on excepte les pertes et les manques à gagner totaux, c'est à dire au niveau des entreprises publiques et privées. D'où un bilan national perdant-perdant. Car l'élargissement de la grève aux entreprises, offices et établissements publics, qui permettait à l'Ugtt d'y impliquer entre autres leurs syndicats les plus aguerris, à l'image de ceux des transports publics, qui ont déjà bel et bien obtenu leurs augmentations, avait pour but d'exercer sur le gouvernement le maximum de pression, tout en alignant côte à côte les deux «pommes de la discorde » : la masse salariale plafonnée et les entreprises déficitaires à normaliser, deux impératifs qui font l'objet de conseils pressants de la part du Fonds monétaire international. Car c'est à propos des conseils du FMI que les syndicalistes, la gauche et, désormais, Nida Tounès attaquent le chef du gouvernement. Le péché originel Le péché originel qui est la cause de tous nos maux, c'est la crise des finances publiques qui a vite désarmé les dirigeants du pays au lendemain de la révolution, leur ôtant les moyens qui auraient permis un développement des régions plus consistant et de grands projets donnant des emplois aux jeunes, ainsi qu'une bien meilleure promotion des investissements. Mais d'autres facteurs ont assombri le tableau dès le début, qui ont vu l'Ugtt soutenir trop souvent les sit-in violents et les sabotages de la production qui ont fait dégringoler les bénéfices du phosphate et des hydrocarbures revenant à l'Etat. De même que l'Ugtt a été derrière la titularisation massive des emplois précaires. Alors que la troïka s'était empressée d'enrôler dans la fonction publique des milliers d'anciens prisonniers amnistiés à l'aube de la révolution. Tous ces péchés originels doivent, aujourd'hui, être assumés par toutes les forces politiques et sociales du pays comme des erreurs de jeunesse communes qu'il faut corriger la main dans la main. Et non pas faire l'objet d'une mémoire sélective qui met en position de coupable un gouvernement qui milite pour dégager le pays du dilettantisme et qui se bat pour rétablir notre crédibilité. Négocier sans en venir aux mains La négociation syndicale pacifique est une vertu des pays démocratiques. En s'y soumettant, les Tunisiens ont montré leur aptitude à mériter cette première expérience démocratique du monde arabe dont ils s'honorent. Mais la négociation doit rester fairplay jusqu'au bout et sans obligation de résultat. Il n'y a pas lieu que quiconque montre de l'aigreur ou de l'amertume. Certes, le pays tout entier a perdu une journée de travail, mais le vivre-ensemble a gagné des galons. Car ce furent de vraies négociations avec des arguments solides et convaincants de part et d'autre. L'Ugtt a voulu rétablir correctement le pouvoir d'achat des fonctionnaires et le gouvernement a considéré vital de ménager un peu l'avenir en faisant aussi avancer le social et en redémarrant le développement, tout en respectant l'impératif de préserver la crédibilité de la Tunisie et sa solvabilité. Un engagement qui mérite que nous soyons reconnaissants à l'égard du FMI et de tous nos bailleurs de fonds. Surtout que nous faisons tout pour les convaincre d'investir encore et encore chez nous.