Le ministre des Affaires sociales estime qu'il est difficile de cerner le groupe des « barbachas », estimés à 8.000 personnes. S'agissant d'un secteur informel, cela demande du temps et une vision pour le structurer. Ils doivent être représentés par des délégués avec lesquels nous pouvons discuter. Ce fut le cas des masseurs des bains maures de Hammamet L'Assemblée des représentants du peuple a repris hier normalement ses activités par l'audition du ministre des Affaires sociales, Mohamed Trabelsi. Calme, désert, l'hémicycle semble imperméable à la grave crise qui secoue le pays, le divise et touche notamment l'éducation, secteur au cœur des enjeux politiques. Plusieurs lycées étant en grève. Une grève décrétée par les élèves cette fois-ci, harassés par les suspensions à répétition des cours et révoltés contre cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de leurs têtes : l'année blanche. L'ARP a décidé, elle, de respecter son planning, ce qui peut se défendre. Le perchoir occupé par la deuxième vice-présidente, Faouzia Ben Fodha, chargée de répartir avec sa placidité habituelle le temps de parole, face à l'ordinaire protestation du député interrogateur. Seul au milieu des travées vides, heureusement face à une caméra qui immortalise le moment, l'élu désigné pose ses questions au membre de l'exécutif. Des questions ponctuelles qui ont touché assez souvent ses administrés. Maher Madhioub étant le député représentant des Tunisiens dans les pays arabes a remis sur la table le dossier épineux de la couverture sociale des émigrés, en prenant soin de rappeler la manne financière que représente cette communauté. « Dans quelques jours, nous allons signer un accord avec la Suisse et le Canada mais les pourparlers avec les gouvernements respectifs des pays du Golfe butent encore, » reconnaît le ministre. Un quota réservé aux personnes handicapées Jamila Debbech Ksiksi a quant elle évoqué le drame quotidien d'un groupe qui ne cesse de s'agrandir dans l'ombre, ne bénéficiant d'aucune structure légale ni de la moindre protection sociale, les chiffonniers, ceux qu'on appelle chez nous « barbacha ». Des milliers d'individus, le chiffre non vérifiable de 8.000 personnes, a été avancé, travaillent au noir. Des personnes âgées, des femmes et des enfants non protégés par aucune loi, ni ne rentrant dans aucune catégorie professionnelle, travaillent au jour le jour, dans des milieux parfois hostiles, exposés à des risques très divers et à la précarité. « Cette femme courbée en deux sous le poids d'un énorme sac de bouteilles en plastique accroché sur son dos, vous l'avez certainement croisée un jour, c'est d'elle que je parle», interpelle l'élue. Mohamed Trabelsi précise encore qu'il est difficile de cerner ce groupe hétéroclite qui rassemble des retraités, des chômeurs, des jeunes et des vieux. S'agissant d'un secteur informel, cela demande du temps et une vision pour le structurer. « D'abord, qu'ils soient représentés par des délégués avec lesquels nous pouvons discuter. » Une démarche qui s'avère tout à fait applicable. Il a donné à cet effet l'exemple des masseurs des bains maures de Hammamet. Ajoutant entre autres que la mise à jour des listes des familles nécessiteuses est en cours, de même qu'une nouvelle approche de la pauvreté. Le recrutement des personnes à besoins spécifiques a été invoqué par le député Imed Ouled Jebril. Dans tout concours, un quota de 2% devrait été réservé aux personnes handicapées, rappelle-t-il. Le ministre a fait savoir que ses services n'ont de cesse de rappeler par des missives écrites, cette condition aux institutions concernées. Vainement, au regard des résultats. Son département croule sous les requêtes, de l'ordre de 3.000, émanant de ces personnes qui s'estiment avoir été lésées et qui attendent réparation. Quant à Ahmed Seddik, il a évoqué un dossier à qui convient le nom de tragédie. S'agissant de clandestins dont la trace a été perdue mais qui ont donné des signes de vie, affirment leurs familles. Quelques mères étaient d'ailleurs présentes à l'étage arborant de petits portraits de leurs enfants disparus. Le président du groupe du Front populaire se défend de tout populisme, ajoutant que c'est la première fois qu'il interroge l'exécutif sur cette affaire qui traîne depuis 2011. Il a précisé que les familles et quelques associations actives sur le sol Italien le pressent de solliciter les autorités tunisiennes pour agir. De ce test oral, M. Trabelsi semble s'en être bien tiré. Il répond avec aisance moyennant des réponses claires, sans regarder ses notes, parfois seulement pour citer des chiffres qui appuient ses dires. Il reste cependant à ajouter que le ministre n'a pas réponse à tout. Si des pans entiers de la société sont confrontés à une extrême précarité, au chômage, et que la corruption et des passe-droits affectent des secteurs d'activité, pour ne pas dire tous, cela dépasse et de loin les prérogatives du ministre des Affaires sociales pour interroger le modèle de gouvernance et requérir la nécessaire réforme des systèmes de gestion des actifs de l'Etat.