Le Centre d'appui à la transition démocratique et aux droits de l'Homme vient de publier son rapport annuel sur l'état des lieux en Tunisie, en Egypte et en Libye, à la lumière de l'évolution des politiques et législations adoptées suite aux révolutions du « Printemps arabe ». Ce rapport, le deuxième après la création du centre, il y a trois ans, couvre la période du 1er septembre 2017 au 31 août 2018, soit l'intervalle de temps où les trois pays avaient presque connu le même sort, à quelques différences près Droits de l'homme, libertés d'expression et de circulation, torture, respect des lois en vigueur et d'institutions constitutionnelles, le bilan semble peu reluisant. D'où, l'apport de ce centre dans l'œuvre d'observation, d'évaluation et d'analyse des faits, souligne son directeur exécutif M. Mohamed Omrane, activiste égyptien, lors d'une conférence de presse, tenue hier à Tunis. A l'en croire, après huit ans, il n'y a pas de profonds changements. Sous nos cieux, on parle de l'exception tunisienne, fait remarquer sa collègue l'ex-présidente d'Al Bawsala, Chaima Bouhlel, intervenant en tant que membre de l'équipe du travail du centre. Toutefois, ce qui s'est passé en Egypte et en Libye, cette dernière année, « touchant aux droits humains dans leur acception la plus large » est vivement préoccupant, révèle-t-elle. Nos politiques ont-ils perdu la raison ? La Tunisie est-elle une exception ? Pour Chaima Bouhlel, le cas tunisien fait, en quelque sorte, l'exception. Elle a tenu à définir cinq déterminants de son succès : « Rapports consensuels, partis politiques en action, passage au régime parlementaire, vigilance de la société civile et aides étrangères.. ». Contrairement à notre voisin, la Libye, qui vibre toujours au rythme des divisions politiques, des conflits armés et des gouvernements en perte de légitimité. La Constitution est-elle nécessaire ? Est-elle la solution ? s'interroge-t-elle. Pour nous ou pour l'Egypte, cela n'est pas évident. Bien que chacun de ces deux pays soit doté de sa propre Constitution, certaines dispositions législatives sont restées lettre morte. D'ailleurs, des instances constitutionnelles telle la Cour constitutionnelle, etc ne voient pas encore le jour. Encore moins des droits et des districts et conseils régionaux élus. En tout état de cause, indique-t-elle, la Constitution n'a pas gagné le respect de ses faiseurs. Ce texte est-il suffisant pour nous changer le mode de vie? De plus, ces instances offrent-elles des garanties ou sont-elles des outils entre les mains de l'Etat ? Au sujet de la lutte contre la torture, ni l'Egypte ni la Tunisie n'ont eu gain de cause, déplore-t-elle. « Même l'instance nationale de protection contre la torture n'a pas nié son existence », argue-t-elle. Voter est-il un droit ou un devoir, problème ou solution ? Sinon, pourquoi harceler les candidats aux élections en Egypte? Et pourquoi infliger des amendes aux non votants ? Recommandations Mme Bouhlel a fini par avancer une proposition : pourquoi pas une plateforme en ligne interactive, à même d'inciter les citoyens de ces trois pays à participer à l'élaboration des rapports du centre ? D'autres propositions ont été faites pour l'évolution des politiques et législations tunisiennes susceptibles de réussir la transition démocratique. Il s'agit, entre autres, d'accélérer la mise en place de la Cour constitutionnelle, d'élire les conseils régionaux, de parachever le processus de la justice transitionnelle et de garantir davantage de libertés individuelles. Pour la Libye, il est question de faire face au financement des milices terroristes, de ne pas se limiter à la solution sécuritaire quant à la lutte anti-terroriste, de s'intéresser de plus en plus au sud libyen et de garantir l'équité sociale. Consécration des droits de l'Homme, dialogue sociétal, la non-violence et l'indépendance des trois pouvoirs sont les importantes recommandations issues dudit rapport. Un tel rapport, relève Salem Ghalleb, lui aussi membre de l'équipe de travail, devrait être remis à l'ARP. Son chef, M. Omrane, a insisté, quant à lui, sur une réduction de la périodicité du rapport. Soit, six mois au lieu d'un an.