Du 2 au 4 février, une grande rencontre a réuni des femmes de Tunisie, de Syrie, du Nepal et du Sri Lanka autour de leur participation active au processus de justice transitionnelle. La troisième journée du symposium a été consacrée à la Tunisie Financé par le gouvernement du Canada, le symposiume a été organisé par le Centre international pour la justice transitionnelle (Ictj). Même si les contextes diffèrent d'un pays à l'autre, l'Ictj reste convaincu que les liens noués entre les militants et militantes des droits des femmes peuvent permettre un échange d'expérience et de stratégies dans le domaine d'une justice transitionnelle favorables à l'égalité de genre. D'autres objectifs de la rencontre ont focalisé sur trois défis : anticiper sur les problèmes futurs, entamer la réflexion sur des solutions concrètes et faire face à des processus bloqués ou inexistants. La troisième journée de la rencontre, qui avait eu lieu lundi, a mis l'accent entre autres sur le processus de justice transitionnelle en Tunisie. Une expérience à laquelle semblent s'intéresser les participantes pour toutes les leçons qu'elle procure aux pays en transition. De précieuses gardiennes de la mémoire Invitée à intervenir à la rencontre d'avant-hier, la députée Hajer Ben Cheikh Ahmed est par ailleurs revenue sur les balbutiements de la justice transitionnelle en Tunisie, à savoir l'Instance d'investigation sur les violations et abus commis entre le 17 décembre 2010 et janvier 2011. «Si 22 % des décès ont été enregistrés parmi les femmes pendant les jours de révolution, elles ont réellement pris part à ces manifestations et événements en y envoyant leurs fils et maris. Elles nous ont été également précieuses lorsque nous avons entamé nos investigations : elles ont tout gardé des traces de ces journées : photos, documents et témoignages. D'autre part, beaucoup de pères, par conservatisme, ont refusé d'alerter les autorités lorsque leurs filles furent blessées par les forces de l'ordre». Pour Yamina Zoghlami, députée également, les femmes victimes continuent à subir des campagnes de dénigrement et de diabolisation, particulièrement en matière de réparations et de dédommagements. « En attendant le rapport final et ses recommandations concernant le genre, les femmes victimes continuent à revendiquer une réhabilitation et une intégration sociale à la mesure de leurs sacrifices passés», ajoute la représentante du mouvement Ennahdha. Bientôt une commission sera créée à l'Assemblée des représentants du peuple pour faire le suivi des recommandations de l'IVD. « Nous attendons beaucoup de l'ARP, notamment qu'elle réforme les institutions pour permettre le changement social en faveur des femmes », insiste Salwa Gantri, directrice du bureau de l'Ictj en Tunisie. 23 % ont présenté leurs dossiers à l'IVD Mais la participation des femmes tunisiennes au processus ne s'est pas faite sans difficulté. Comme le rappelle Rym Gantri, experte de l'Ictij, «si leur implication à l'écriture de la loi sur la justice transitionnelle a été importante, à travers notamment les associations de femmes victimes, elles n'ont été que 5 % à présenter leurs dossiers à l'IVD. Il a fallu beaucoup d'efforts de la société civile, de l'Ictj et du système des NU en Tunisie pour que leur pourcentage atteigne 23 %». Elle ajoute : «Les victimes indirectes sont beaucoup plus nombreuses. Les plaintes des femmes qui n'ont pas été présentées à l'IVD incarnent toutes ces vérités qui resteront dans l'ombre de l'histoire». Pour Hend Bouziri de l'association Tounissiyet, le présent des femmes pose également problème. Car si les lois les protègent, les pratiques et les mentalités continuent à les exclure des postes de responsabilité : «Nous le voyons bien à travers les dernières élections municipales, où elles ont été cantonnées pour la plupart dans des postes et des responsabilités mineurs. La société civile doit continuer à exercer son pouvoir de contrôle et de vigilance pour que sur le terrain du politique, les femmes ne subissent pas la violence dont elles ont été toujours l'objet», insiste Hend Bouziri.