Quelles que soient les dispositions à prendre, rien ne pourra réparer les préjudices moraux causés par les mouvements de protestation à répétition des enseignants depuis le début de l'année scolaire. C'est avec un certain soulagement mêlé de méfiance que les parents ont assisté, hier, au retour de leurs enfants sur les bancs de l'école. Après un accord entre le ministère de l'Education et la Fédération générale de l'enseignement secondaire (Fges), les choses doivent reprendre leur cours normal. Mais les parents sont déjà échaudés depuis 2016 et ils n'excluent pas des revirements de la Fges à tout moment. En effet, rien dans l'accord obtenu (après une longue mise en scène du syndicat qui s'est offert un show médiatique d'ampleur les vendredi et samedi derniers en mettant les nerfs des observateurs à rude épreuve) ne garantit que le scénario de cette année ne se reproduise dans quelques mois ou l'année prochaine. De plus, les associations qui ont protesté contre le sort réservé à nos élèves et à notre système éducatif ne sont pas satisfaites de cet accord tant qu'il ne prend pas compte des assurances claires quant à d'éventuelles récidives de la part de ce syndicat. Dégâts irréparables Pourtant, ce dernier a tout fait pour lier les mains du ministère afin que ces accords soient appliqués à la lettre et qu'il n'y ait aucune possibilité de revirement ! Les craintes des uns et des autres restent fondées d'autant que l'accord en question est intervenu sans qu'aucune référence n'ait été faite aux graves conséquences entraînées par ces mouvements de boycott des examens et des cours durant ces deux premiers trimestres. Les responsables de cette situation catastrophique tirent leur épingle du jeu et s'en vont comme si de rien n'était. C'est manquer de considération à l'égard de toute une génération et à l'égard de milliers de familles. Le message qu'on peut retenir c'est qu'on peut tout faire sans être inquiété même s'il s'agit du sort d'un million d'élèves. Les parents et les élèves sont frustrés et ne pensent pas que le programme de rattrapage pourra réparer les dégâts causés par plusieurs semaines de perturbations. Quelles que soient les dispositions à prendre, rien ne pourra réparer les préjudices causés par ces actes tant décriés par tout le monde. Qu'on nous annonce qu'une poignée d'enseignants s'engage à assurer des cours de soutien pour les élèves des classes terminales ce n'est que de la poudre aux yeux. Ces élèves, justement, ne demandent pas la charité d'où qu'elle vienne. Ce qu'ils cherchent, c'est qu'on respecte leur droit constitutionnel à l'enseignement. Actuellement, le mal est fait. Les décisions administratives (constitution d'une commission technique et pédagogique par le ministère, réunion pour établir un nouveau calendrier des examens entre le ministère et le syndicat…) n'auront aucun effet et ne parviendront jamais à rendre justice à notre jeunesse. Car, il ne faut pas oublier que l'image que reflètent ces perturbations est très négative sur les rapports familiaux et sociaux. L'impact psychologique est certain. La crédibilité que les parents accordaient à l'institution éducative et à l'enseignant a été ébranlée. Toutes les familles tunisiennes vivent dans l'indécision. Elles ne sont plus sûres que leurs enfants ne soient pas touchés par des mouvements de contestation déclenchés à n'importe quel moment par n'importe qui. On ne supporte plus ces attaques répétées contre le système éducatif sous les prétextes les plus extravagants. Se remettre, sérieusement, au travail Quand bien même les revendications salariales ou professionnelles seraient « légitimes », aucune loi ou juridiction ne permettent à un syndicat de prendre en otage des élèves innocents en se jouant de leur avenir. Pis encore, il serait criminel de se laisser manipuler ou de se cacher derrière des demandes syndicales pour réaliser des desseins politiques. Car ce qui vient de se passer a été récupéré, qu'on le veuille ou non, par des partis politiques. Les responsables de la Fges ont beau affirmer le contraire, ils ne persuaderont personne. De même qu'ils ne parviendront pas à nous convaincre que leurs exigences ne sont pas, purement, matérielles. Les avantages obtenus leur confèrent un statut privilégié par rapport à leurs homologues ayant le même niveau scientifique et exerçant dans d'autres secteurs. Il y a, toujours, lieu de savoir raison garder et ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre. Le coût des augmentations obtenues se situerait autour de 800 milliards. De quoi réaliser tout un réseau de métros ou la construction de plusieurs milliers de nouveaux postes d'emploi. Il aurait suffi de patienter un peu et ménager, un tant soit peu, les ressources de l'Etat. Dans leurs déclarations après la signature de l'accord, des responsables syndicaux ont souligné, à maintes reprises, l'« intérêt » qu'ils portent à l'école publique et au « confort» des élèves. La preuve, prétendent-ils, c'est la demande qui est liée à l'augmentation du budget réservé à la maintenance des établissements. Ils oublient les majorations des nombreuses primes et l'intégration de certaines autres dans le salaire au point de constituer un… treizième mois ! Espérons, toutefois, que ce nouveau départ sera pris au sérieux par toutes les parties et qu'il constituera une nouvelle étape au cours de laquelle les enseignants s'investiront plus et mieux dans le processus éducatif. On attend qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes et qu'ils restaurent cette image de l'enseignant d'antan : respectable et respectueux. Cette image ne peut être restituée si l'on continue à voir un laisser-aller flagrant chez certains (tenue vestimentaire qui ne force aucun respect), comportement inadapté à une institution éducative, incompétence (parfois flagrante), intolérance et refus d'écoute… Ce qu'on appelle « le partenaire social » peut jouer le rôle qui doit être le sien sur ce plan. Il n'y a pas que l'amélioration des conditions matérielles qui compte ! Qu'il ne soit plus un frein pour l'évolution de notre enseignement.