L'introduction d'une barre de 3% ou de 5% du nombre des voix obtenues par une liste de candidats risque de marquer l'entrée de la Tunisie dans une ère de dictature d'un seul grand parti, certes aux députés élus démocratiquement, mais... Les grands partis et certains universitaires constitutionnalistes voudraient voir amender la loi électorale pour introduire, concernant les législatives, une barre de 3% ou de 5% du nombre des voix obtenues par une liste de candidats, en dessous de laquelle elle n'obtiendrait aucun siège parlementaire. Il s'agit d'un artifice assez répandu de par le monde visant à écarter les tout petits partis de la participation au pouvoir, dans le but d'encourager les citoyens à contribuer à la réduction du nombre des partis agissant sur la scène politique. Une meilleure gouvernabilité La trop grande multitude des boutiques politiques peut effectivement fausser le jeu de la représentation démocratique et permettre aux ego de formations minuscules de faire blocage à la gouvernabilité d'un pays. Le président Caïd Essebsi avait, en 2014, trouvé la parade en appelant à voter utile, c'est-à-dire à choisir noir ou blanc. C'est ce qui réduit des partis qui étaient bien représentés à l'Assemblée constituante de se retrouver sans siège à l'ARP. C'est bien vrai qu'un trop grand nombre de partis disperse les voix et fausse la compétition, mais c'est aussi réel qu'un trop petit nombre va restreindre la liberté de choisir de l'électeur et du citoyen en réduisant le marché de l'offre politique. Réduire la place des petits partis L'idée de placer cette barre provient d'un diagnostic, vraisemblablement hâtif, selon lequel le pays serait «mieux gouvernable» si l'on avait réduit la représentation des petits partis à l'ARP. Et les experts de procéder à des simulations sur la base des scores électoraux des différentes listes, aussi bien pour les élections de la Constituante que pour les législatives de 2014. Les résultats des calculs corroborent les hypothèses : Ennahdha aurait eu la majorité absolue des sièges en 2011 et aurait pu gouverner seul, sans s'encombrer de la Troïka, et les deux premiers partis de 2014 auraient raflé la mise et écarté les tout petits, tout en réduisant sérieusement le nombre des sièges d'Afek Tounès, du Front populaire et de l'UPL. Mais cela n'aurait pas écarté l'éventualité de l'alliance Nida-Ennahdha. Un échiquier hésitant et incertain Notre échiquier politique actuel reste tributaire de plusieurs aléas, mais il est assuré de rester jusqu'à la date des prochaines législatives, hésitant et incertain. D'où le risque qu'il n'existe plus qu'un grand parti pouvant profiter de la fameuse barre des 3 ou 5%, Ennahdha. Sauf si un grand regroupement arrivait à se constituer pour, de nouveau, rétablir l'équilibre sur l'échiquier. Ou alors que Tahia Tounès s'impose et arrive à jouer ce rôle ou encore qu'une autre mouvance, aujourd'hui insoupçonnable, acquière une grande popularité et prenne le devant de la scène. Sinon, l'introduction de la barre risque de marquer l'entrée de la Tunisie dans une ère de dictature d'un seul grand parti, certes aux députés élus démocratiquement, mais...