Le spectacle émouvant de ces enfants rentrant chez eux a vite tourné à un scénario de triomphe mis en scène par des intervenants salafistes le fêtant comme une victoire guerrière contre la République démocratique. La décision de la justice indépendante de situer l'intérêt de l'enfant dans son retour au foyer familial a été largement exploitée en une inquiétante orchestration présentant le retour de ces victimes d'un centre d'accueil suite à un abominable lavage de cerveau, comme s'il s'agissait de prisonniers de guerre libérés sous la pression des instances onusiennes. Les youyous, les remarques, les déclarations, les réflexions des badauds... tout versait dans le clip publicitaire ou de propagande intégriste, aux antipodes de l'unanime dénonciation nationale de ces derniers jours qui applaudissait le sauvetage de ces enfants, extirpés des griffes d'usurpateurs maléfiques qui les maintenaient dans une prison infâme où toutes les maltraitances avaient cours. Et ce père à la barbe imposante qui accueille son enfant en lui intimant l'ordre de jeter aux ordures les habits de rechange que les associatifs lui avaient fournis, lui qui avait consenti à l'internement de son petit dans ce sordide internat maquillé en école coranique. Fort heureusement, cette tentative de renverser l'opinion publique grâce à une armée facebookienne et quelques reprises par des médias conventionnels, ne pourra en aucune manière éluder le piège dans lequel se trouvent ces quarante-deux enfants. Et même si, derrière cet écran propagandiste d'apparente euphorie généralisée, nous ne savons pas combien de familles ayant placé leurs enfants dans cette école illégale sont impliquées dans cette célébration surfaite, pour l'Etat, pour la société civile, pour le peuple tunisien, le problème qui se pose aujourd'hui reste entier : comment préserver ces enfants et tant d'autres de l'endoctrinement et de la marginalité agressive, y compris au sein de leur famille ? En attendant, souhaitons que dans les circuits de la justice indépendante les éventuels recours légaux pourront apporter une réponse salutaire.