Par Neila Gharbi Le secteur des arts plastiques dispose de structures à l'instar de la Fédération tunisienne des arts plastiques, créée après la Révolution et qui vient d'élire son troisième comité directeur. Les nouveaux membres, dont la majorité sont des jeunes issus des écoles de design et de beaux-arts, auront du pain sur la planche. En effet, la tâche n'est pas facile. De son côté, l'Union des artistes plasticiens tunisiens, plus ancienne, continue à mener son chemin en organisant des expositions et des colloques. Le prochain événement à venir et dont la date n'a pas été déterminée est un colloque autour de : «La question de l'art contemporain, la question de musée en Tunisie». Art contemporain, art plastique, art conceptuel, art visuel, plusieurs genres d'art se complètent ou bifurquent. Ce qui est frappant, c'est que ces genres évoluent en marge de la société, et ce, malgré des efforts notables pour investir les espaces publics. L'art contemporain est-il accessible sur la place publique, lieu où seules les transactions mercantiles existent ? Les municipalités ont certainement un rôle important à jouer pour améliorer la qualité de vie des citoyens. Mais certains soutiendraient l'idée qu'en ces temps de disette et de compression budgétaires, évoquer des représentations d'arts visuels ne serait que pur gaspillage. Et que les municipalités ont plutôt d'autres chats à fouetter que de consacrer un budget à «l'embellissement» de la ville par des œuvres d'art. Il y a ce fameux «1%» qui n'a jamais bien fonctionné. Les œuvres dites du «1%» intégrées aux édifices publics, conçues et réalisées autrefois dans le cadre d'un concours, n'ont plus cours. Certaines ont été escamotées lors d'une destruction d'un édifice ou de sa restauration. Le «1%» n'existe qu'en théorie mais pas dans la pratique. Il apparaît de plus en plus évident que l'art contemporain n'intéresse que ceux qui le pratiquent et que l'Etat, qui se débat dans de multiples problèmes a perdu le pouvoir d'imposer aux sociétés et institutions ce «1%». Malgré donc la présence d'associations professionnelles, le secteur semble être désorganisé et l'ensemble des artistes n'arrive pas à avoir une visibilité dans les médias, ni à se positionner sur la scène culturelle à l'instar des créateurs d'autres disciplines tels que le cinéma, le théâtre ou la musique. Ces derniers interviennent davantage sur la scène publique et médiatique. A-t-on jamais vu un plasticien présenter son œuvre sur un plateau de télévision ou intervenir comme chroniqueur dans un talk-show ? L'absence de l'art contemporain dans la société et les médias est flagrante. L'artiste continue à travailler en solo dans un cadre restreint, son atelier ou lors de rares manifestations culturelles. Au cours de la décennie 60/70, les arts plastiques ont connu une belle expansion et les artistes réunis sous l'appellation de «L'Ecole de Tunis» se sont affirmés de manière explosive sur la scène publique et même politique. D'ailleurs, l'impressionnante exposition en hommage à Gorgi au Palais Kheireddine, inaugurée par le Président de la République Béji Caid Essebsi, est la parfaite illustration de cette époque faste. De nos jours, le domaine des artistes visuels paraît dispersé, démuni et ne bénéficiant d'aucun soutien sauf celui timide du ministère de la Culture. L'absence de collectionneurs explique aussi en partie la perte de présence et de reconnaissance de l'art contemporain. Le problème serait, pour tout dire, la diffusion de cet art. Le nouveau bureau de la Ftap est appelé à établir un débat sérieux sur la question pour sortir de ce mutisme chronique. L'inculture et les valeurs de consommation ont condamné l'art à rester marginalisé. Les crises financières successives ont menacé «le marché de l'art» de manière générale. Par ailleurs, l'éclatement des genres, des disciplines et des styles complexifie la perception de l'art contemporain par d'éventuels acquéreurs comme les bailleurs de fonds ou les hommes d'affaires qui ont encore une vision restrictive de l'art. Après le 14 janvier 2011, plusieurs tentatives ont été amorcées pour rétablir le lien entre l'art et la rue, l'artiste et le public. Happenings, art d'intervention, street-art ont proliféré, mais actuellement, ils commencent à se réduire malgré l'utilisation d'autres supports numériques. Toutes ces questions méritent débat.