L'annonce faite par la direction officielle de Nida Tounès, indiquant qu'en aucun cas les démissionnaires de Nida n'ont le droit de parler au nom du parti, vient confirmer que les Caïd Essebsi s'apprêtent peut-être à changer leur fusil d'épaule. Les récents entretiens qu'ont eus les Caïd Essebsi père et fils avec le leader islamiste Rached Ghannouchi ont jeté un terrible coup de froid sur l'ensemble des acteurs politiques de la place, y compris au sein même de Nida Tounès et plus spécialement son groupe parlementaire. Toutes les boutiques politiques ont dû rappeler leurs analystes et leurs calculateurs pour évaluer l'« impact » causé par ces rencontres tout à fait inattendues allant à contre-courant de tous les dispositifs stratégiques mis en place et arrêtés par les divers partis et personnalités dans la perspective des élections législatives, mais aussi des présidentielles en vue desquelles couvent d'innombrables ambitions non déclarées. Parmi les prétendants avérés mais non déclarés, qui guettent naturellement les failles et opportunités, il est possible de citer une vingtaine de personnalités très honorables qui pourraient rafler la mise au second tour, car c'est au second tour que va se jouer l'essentiel de la partie, suite à un premier tour où la plupart se situeront entre 10 et 15%. Ennhadha : des capacités d'alliance illimitées Maître du jeu, à cause de son électorat stable et discipliné, Ennahdha est en mesure de faire la pluie et le beau temps en donnant, au premier tour, un coup de pouce à l'un ou l'autre des candidats modernistes. Plusieurs noms circulent de temps à autre mais les capacités d'alliance d'Ennahdha sont illimitées. On parle de Morjane, mais il pourrait s'agir de Abbou qui était très proche d'eux, ou encore d'un autre juriste non politique mais qui maîtrise son droit et est porté par les sondages, Pr Kaïs Saïd, et pourquoi pas Mondher Zenaïdi ou Mustapha Kamel Nabli ou bien Mehdi Jomaâ qu'ils avaient très bien accueilli comme chef du gouvernement de transition, ou bien encore Habib Essid, mécontent de son sort et avec qui le courant passait ou alors Néjib Chebbi… et la liste est encore longue. Mais la grande crainte des outsiders c'est de voir Ennahdha renouer avec les Caïd Essebsi. «Adieu veaux, vaches...» comme se lamentait la laitière au pot au lait (de Jean de la Fontaine). Huit longs mois pour comprendre Nos candidats modernistes potentiels craignaient déjà qu'Ennahdha puisse soutenir l'éventuelle candidature de Youssef Chahed, ce qui avait amené certains ténors à rejoindre l'état major pro Chahed, tel Mohsen Marzouk, conscient que son parti ne pèsera pas lourd lors du scrutin et qui s'active à conclure l'accord électoral convenu avec Al Moubadara Doustouria et Tahya Tounès. Sachant que la simple annonce des reprises de contact entre les Caïd Essebsi et Ennahdha a vite fait de fluidifier les négociations avec Al Badil de Mehdi Jomaâ. Mais chacun guette les soubresauts de l'arène politicienne et observe la météo, se disant qu'il pourrait être un très bon candidat si...et dans le cas où... L'annonce faite par la direction officielle de Nida Tounès, indiquant qu'en aucun cas les démissionnaires de Nida n'ont le droit de parler au nom du parti, vient confirmer que les Caïd Essebsi s'apprêtent peut-être à changer leur fusil d'épaule. Le communiqué officiel qui n'est pas signé par Hafedh Caïd Essebsi mais provient de la Commission juridique du parti, en date du 8 mars 2019, est explicite : « Toute personne ayant présenté sa démission des structures du mouvement Nida Tounès ou de son bloc parlemetaire sera systématiquement radiée du parti ». Et d'ajouter que «les démissionnaires ne peuvent en aucun cas représenter le parti auprès des autorités officielles, régionales et locales, ainsi qu'auprès de la société civile et des médias». Et l'on indique que «d'après la commission juridique, cette décision intervient en application des dispositions du règlement intérieur du parti». Un règlement intérieur dont de nombreux nidaïstes affirment qu'il n'existe pas. En tout cas, le communiqué se termine en affirmant qu'au cours de cette réunion, il a été convenu de «créer une commission technique qui se chargera de l'élaboration d'un projet d'amendement du règlement intérieur du parti et de son statut, preuve que la guerre des arguments juridiques provoquée par Ridha Belhadj est bel et bien déclarée. Mais quel nouveau plan secret BCE est-il en train de nous préparer pour couper l'herbe sous les pieds de ceux qui, pense-t-il, «ne l'ont pas compris» ? Nous aurons huit longs mois pour comprendre. Puis faire notre choix.