Ceux qui estiment qu'il est temps de lever l'état d'urgence font de mauvais calculs et servent des agendas en contradiction avec les deux premières priorités fondamentales de l'étape : la guerre contre la corruption et la contrebande et la lutte contre le terrorisme Que faut-il comprendre de la déclaration selon laquelle l'instauration et le renouvellement mensuel de l'état d'urgence sur la base du décret-loi de janvier 1978 sont anticonstitutionnels ? L'étape actuelle, avec ses multiples défis et ses innombrables enjeux, supporte-t-elle l'adoption d'une nouvelle loi sur l'état d'urgence qui serait compatible avec les dispositions de la nouvelle Constitution du 27 janvier 2014, notamment au niveau de la préservation des libertés individuelles ? Deux interrogations qui interpellent les acteurs du paysage politique national à la veille des élections législatives et présidentielle qui approchent à grands pas et exigent une mobilisation générale et une veille partagée, en cette période où les défis terroristes et les tiraillements partisans commandent une prise de conscience urgente pour que les sept mois qui nous séparent des élections de fin 2019 réunissent les meilleures conditions possibles à l'apaisement des tensions et à l'émergence d'un climat démocratique à même de faire des élections la fête de la transition démocratique que tout le monde attend avec impatience. Quant à ceux qui comptent sur les difficultés ou les crises qui pourraient naître de la non-reconduction de l'état d'urgence, début avril prochain, en renvoyant la balle dans le camp des députés, sommés d'adopter dans les trois prochaines semaines le projet de loi sur l'état d'urgence dormant dans les tiroirs du Parlement depuis plus de trois mois, il semble, comme le soulignent plusieurs observateurs, qu'ils ont choisi de s'engager dans une fausse querelle et de provoquer une polémique qui n'a pas lieu d'être. Les dispositions contenues dans le projet dormant au palais du Bardo donnent, paraît-il, davantage d'attributions et de compétences au pouvoir exécutif pour gérer à sa façon la période de l'état d'urgence, ce qui autorise, comme le soulignent plusieurs analystes, l'émergence de toutes les dérives possibles et de tous les dépassements imaginables. Reste une inconnue : comment l'élite politique au pouvoir et dans l'opposition va-t-elle aborder cette nouvelle crise ? Une première réponse : plusieurs acteurs du paysage politique national sont convaincus que la situation actuelle prévalant dans le pays marquée notamment par les menaces terroristes qui ne se sont jamais tassées et la montée vertigineuse des corrupteurs, n'autorise pas la levée de l'état d'urgence qui ne pourrait profiter qu'aux semeurs de mort et aux apôtres de la corruption et de la contrebande. Prétendre que la guerre lancée contre la corruption et la contrebande est une guerre sélective profitant à certaines parties au pouvoir n'est en réalité qu'une manœuvre qui ne dit pas son nom pour détourner l'opinion publique et lui faire accepter de fausses informations selon lesquelles la traque des corrupteurs et des corrompus obéit à des considérations à caractère partisan et sert des visées électoralistes en prévision de l'accès aux palais de Carthage et de La Kasbah fin 2019. Il reste, tout de même, à la société civile, dont les associations et organisations ont démontré qu'elles ne peuvent être manipulées ou poussées à soutenir des polémiques inutiles, de réagir en lançant une campagne citoyenne de sensibilisation et d'information aussi large que possible dans le but de dévoiler les dessous et les enjeux réels de ceux qui essayent de créer un climat de tensions et de divisions dont les Tunisiens n'ont pas besoin en cette étape où ils s'apprêtent à dessiner leur avenir et à faire réussir la jeune expérience démocratique nationale.