Projeté à l'ouverture du Fo au cinéma Le Rio à Tunis en présence de son réalisateur, ce film a marqué l'exorde du Festival cinéma de la paix 2019 organisé du 12 au 17 mars. «Ce soir c'est la première fois que ce film est projeté dans un pays arabe et maghrébin», a déclaré le cinéaste Hammoun, également producteur à Thala Films à Alger. Le documentaire «Vote off», (81 mn), sorti en 2017, est le premier film de Hammoun. L'année de sa sortie, il a été présenté en première mondiale à Paris et récompensé à la compétition internationale en remportant le prix de la première œuvre au festival Cinéma du réel dédié aux films documentaires (France). Censuré dans son pays d'origine, «Vote off» avait été interdit de projection aux Rencontres cinématographiques de Béjaia 2016. Un communiqué du ministère algérien de la culture avait jugé ce film comme une œuvre qui «comporte des contenus portant atteinte aux symboles de l'Etat et à sa souveraineté». Cependant, le réalisateur estime que son film a été censuré «parce qu'on ne voulait pas voir filmer l'événement en soi», faisant allusion aux coulisses du scrutin. «Etrangement, c'est un film qui marche très bien en Amérique Latine», selon ce réalisateur d'un documentaire «100% subjectif» sorti de son cadre local vers l'universel. Ce film au rythme morose évoque dans son contenu une réalité peu confortable qui dure depuis déjà 5 ans autour de la légitimité du pouvoir en place, largement contesté par le peuple et une large partie de la classe politique. «Vote Off» est un documentaire dont le thème coïncide avec les événements actuels en Algérie. Il capte le malaise général dans un pays où le même régime continue depuis les élections de 2014. Entre doutes et incertitudes, l'auteur du film dresse un portrait du réel à travers des personnages trentenaires abstentionnistes qui disent n'avoir jamais voté: libraire, animateur radioweb, musicien rap et journalistes. La pression sur certains médias et la corruption rongent la classe politique rassemblée autour d'un régime agonisant. Le documentaire de Hammoun pénètre dans les coulisses du scrutin de 2014, essayant de lever le voile sur certaines questions qui préoccupent le réalisateur. Lui-même, issu de cette génération qui n'a jamais voté, cherchait une réponse à sa question : «Pourquoi je n'ai jamais voté... ce qui est le cas de beaucoup d'Algériens», dit-il. Tout en essayant d'échapper au style journalistique, le cinéaste a choisi de s'introduire dans les locaux et les coulisses des deux médias indépendants les plus regardés et les plus lus en Algérie, la chaîne de télévision Achourouk TV et le quotidien francophone «El Watan». Dans les bureaux de la rédaction se mijotent le sort et l'image des politiciens dans un pays en plein scrutin présidentiel. Les journalistes se mobilisent pour la première élection présidentielle couverte par des médias indépendants, entend-on dire dans le film. Entre les réunions de rédaction et le dispatching des reportages jusqu'au jour du scrutin et de la proclamation des résultats, le 18 avril 2014, le documentaire fait immersion dans les coulisses des médias dont la ligne éditoriale est claire: «informer» en se référant aux codes déontologiques du métier. Ce qui est frappant, c'est cette large liberté d'expression dans les médias sauf que ceci ne s'était pas manifesté dans le comportement des électeurs. L'auteur se rappelle un tournage sur «un mois, commencé avec le lancement de la campagne électorale et bouclé le jour même du vote». Il voulait faire «un film de cinéma sur cette période». Ce rapport ambigu de l'Algérien avec l'image qu'évoque Hammoun cède la place à un nouveau souffle traduit par cet élan de manifestations pacifiques d'hommes et de femmes. Comme beaucoup de sa génération, ce jeune réalisateur ayant grandi entre Alger, Genève et Paris, estime que «ce qui se passe actuellement est assez miraculeux... personne ne s'y attendait». Ayant repris contact avec les personnages de son documentaire, il affirme : «Ils sont tous sortis pour manifester». Ces Algériens apolitiques de 2014 dans le documentaire de Hammoun sont aujourd'hui debout pour dire non à un 5e mandat, non, au même scénario des 5 ans précédents et oui, pour un «Vote on» cette fois-ci.