A l'approche des élections législatives et de la présidentielle d'octobre et novembre 2019, on s'attendait à voir nos partis révéler au moins les grandes lignes de leurs programmes. Malheureusement, on ronronne toujours et ceux qui veulent vivre à l'heure des débats d'idées et des programmes peuvent attendre encore. Ceux qui se sont évertués à présenter l'année 2019 marquant la fin de la législature parlementaire 2014-2019 comme une année purement électorale sont appelés à revoir leur copie et à imaginer un autre discours qui collera davantage à la réalité des choses. En effet, à suivre les événements qui se développent à un rythme effréné, on a l'impression que les crises et les affaires survenant quasi quotidiennement empêchent effectivement l'élite politique de se consacrer à l'accomplissement de sa mission essentielle, celle de proposer un projet-programme aux électeurs de manière à susciter leur adhésion et à les séduire en vue de s'assurer leur aval en remportant leur confiance le jour J. Autrement dit, quand on cherche à savoir, à travers les médias ou les réseaux sociaux, ce que par exemple Nida Tounès envisage en vue de sortir le secteur de la santé publique de sa crise actuelle, ou ce qu'Ennahdha proposera aux Tunisiens de concret afin que l'école publique ne vive plus, à l'avenir, le drame survenu à l'école Al Hosna à Sfax, ou ce que mijote Machrou Tounès afin que notre université ne soit plus l'otage d'une nouvelle génération de syndicalistes qui menacent quotidiennement d'une année blanche, on se trouve dans l'obligation de reconnaître malheureusement que nos partis politiques ainsi que les organisations de la société civile se présentant comme l'alternative citoyenne à la fracture Tunisiens-paysage politique post-révolution vivent dans un autre monde que celui où évoluent leurs concitoyens et se contentent de communiqués-réactions ou de déclarations sous la forme de petites phrases assassines accusant les adversaires réels ou imaginaires de tous les torts possibles et oubliant que les citoyens en ont ras-le-bol d'un tel discours nihiliste. Et les exemples ne manquent pas. Quand on demande aux nidaïstes qu'ils éclairent la lanterne des Tunisiens sur les raisons qui bloquent la discussion puis l'adoption par le Parlement de la loi sur l'égalité successorale ou sur l'échec continu du même parlement à élire le quota qui lui revient parmi les membres de la Cour constitutionnelle, on découvre que leurs préoccupations sont plutôt à la recherche de personnalités crédibles et représentatives pouvant assurer les préparatifs du congrès électif du parti programmé pour le 6 avril prochain. Idem pour Ennahdha qui poursuit son discours semé de «menaces et d'ultimatums». Quant à l'égalité successorale, à l'élection des membres de la Cour constitutionnelle, à la stratégie à mettre en place en prévision du retour des jihadistes, etc, ce sont des questions qui peuvent attendre et pourquoi ne pas les transférer au prochain parlement qui sera issu des législatives du 6 octobre 2019. Du côté des coordinations citoyennes se proposant comme l'alternative à «ces partis politiques qui ont failli à leur mission et qui ont fait sombrer le pays dans le chaos», on a rendez-vous avec d'anciens visages comme Om Ziad, Youssef Seddik et Sadok Belaïd qui reviennent de nouveau au-devant de la scène politique nationale avec leur discours du début de janvier 2011 se résumant en la phrase suivante: «Tous les autres ont tort, nous ne prétendons pas avoir raison. Mais nous sollicitons vos voix». Que reste-t-il des acteurs qui dominent la scène à ne pas s'impliquer dans «le brouhaha» général au bout duquel le citoyen découvre qu'il n'existe pas beaucoup de solutions de rechange à ce que les élections de 2014 lui ont proposé? Beaucoup d'observateurs pensent qu'il y aura du nouveau côté candidatures à la présidentielle, en particulier auprès du Front populaire où Hamma Hammami n'est plus «le candidat naturel» et auprès d'Ennahdha qui n'a pas encore trouvé le candidat parmi ses partisans ou ses partenaires qui pourrait aspirer à s'installer à Carthage mais en préservant, cette fois, le parti d'une alliance ou d'un consensus qu'il pourrait payer cher.