La coalition des femmes de Tunisie a organisé, hier à Tunis, à l'occasion du 63e anniversaire de l'indépendance, une manifestation en guise de protestation contre la crise qui sévit au sein de plusieurs secteurs stratégiques. Reportage. 11h00 à l'avenue Habib-Bourguiba, le parvis du Théâtre municipal de Tunis est déjà squatté par près d'une centaine de manifestants. Bravant le mauvais temps de ce jour férié, ce peloton de Tunisiens — hommes, femmes, jeunes et moins jeunes — a répondu présent à l'appel de mobilisation lancé quelques jours auparavant par le Collectif du 20 mars pour la défense de l'Etat civil. Composé d'une vingtaine d'acteurs phares de la société civile à l'instar de l'Uget, l'Association tunisienne des femmes démocrates, l'Ugtt, etc., ce collectif se veut un lanceur d'alerte contre le travail de sape des fondements de l'Etat civil, à savoir l'éducation et la santé, qui sévit depuis des années. Pancartes à la main, les manifestants alternaient à bâtons rompus les slogans scandés. Appelant tantôt au triptyque « éducation démocratique, santé de base, université publique », revendiquant tantôt « la démission du ministre potiche », ces Tunisiens sont, paraît-il, hantés par un même souci : préserver l'Etat civil. Et pour faire face à quelques dérives d'instrumentalisation, les organisateurs n'omettent pas de remettre les pendules à l'heure en rappelant l'impartialité de l'évènement qui célèbre le 63e anniversaire de l'indépendance de la Tunisie. Les femmes, un rempart contre l'intégrisme Mohamed Rjab, 26 ans, éducateur de la petite enfance, brandit un énorme carton sur lequel il a pris le soin de graver en arabe : «L'égalité successorale pour garantir le caractère civil de l'Etat ». Le drapeau de la Tunisie en bandoulière, Mohamed dévoile les raisons qui l'ont poussé à participer à ce rassemblement. « Je suis venu pour défier ceux qui mettent en doute l'indépendance de la Tunisie. Mais également pour joindre ma voix à celle des femmes présentes qui se réclament un rempart contre l'intégrisme et le renoncement aux acquis de l'Etat civil et indépendant ». À tour de rôle, les meneurs prononcent leurs discours avec emphase. Déplorant le désamorçage de la campagne de lutte contre la corruption engagée auparavant, ils s'indignent contre l'impunité et revendiquent la sanction des coupables. Amel, 36 ans, déléguée médicale, déclare qu'elle n'a pas voulu manquer l'événement, étant animée par un grand amour à la patrie. Accompagnée de sa mère et de quelques amis venus des périphéries du Grand Tunis, elle confie, avec grande amertume, être déçue de la faible participation des jeunes. « Je plains et j'accuse tous les partis progressistes d'être les seuls responsables de la tournure qu'a prise la Tunisie. La guerre des ego à laquelle ils se sont livrés les a tellement détournés des vrais enjeux démocratiques, économiques et civiques. L'Histoire retiendra leur incommensurable égocentrisme. Ce qui se passe à la Compagnie des phosphates de Gafsa est un crime contre la Tunisie. Il faut que les choses bougent. Et cela ne peut se passer qu'à travers une forte participation des jeunes aux élections. Malheureusement, ils ne sont pas présents aujourd'hui et c'est de mauvais augure», lance Amel avec détresse. La grande horloge qui fait face à la statue équestre du leader Habib Bourguiba affiche presque midi. Les participants se sont déplacés devant le ministère de l'intérieur, à quelques encablures du lieu de leur rassemblement en scandant « Tounès horra horra wel irhab ala bara », qui veut dire littéralement en français : « La Tunisie est indépendante, le terrorisme n'y a pas de place ».