L'organisation du 30e sommet des Etats arabes à Tunis représente un nouveau tournant historique pour l'ensemble de la Ligue arabe. Dans la mesure où le monde arabe a subi, ces 30 dernières années, une longue période d'agression, de conflit, de division et de migration qui l'ont détourné de la manière la plus agressive de sa volonté de développement et d'unité des rangs. Il faut dire qu'avant que le destin n'offre à nos pays l'opportunité d'un redémarrage certes balbutiant, mais volontaire s'ouvrant sur des perspectives sérieuses, le monde arabe s'est trouvé englouti dans une bouleversante mésaventure qui, sur la base d'un takfirisme jihadiste interne à la nation arabo-musulmane, a prétendu établir de la manière la plus illégitime, inhumaine et antidémocratique un pseudo khalifa issu de nulle part mais appelé à conduire tous nos pays arabes à un enfer ici-bas dont personne n'aurait pu imaginer les conséquences. Un grand nombre de chefs d'Etat arabes vont donc converger, le 31 mars ou à sa veille, vers notre pays où les accueillera un vieux-de-la-vielle de la lutte nationale arabe et du combat pour l'indépendance, le président Béji Caïd Essebsi. Mais la tâche ne sera pas aisée au vu de la complexité de la situation qu'a dégagée toute cette période d'ingérences étrangères, de destructions, de haine, de souffrances et de déplacements de population et de patrimoine effectués au vu et au su de tout le monde au nom de fausses légitimités hautement clamées et de causes sans fondement. Cependant, le sommet de Tunis n'envisage pas de reconstructions brusques et violentes mais milite pour la reconstruction d'une harmonie entre les multiples légitimités ethniques, religieuses, éthiques et civilisationelles dont croient être en mesure de se réclamer tous les peuples de la nation arabe. Politiciens, analystes et économistes s'attendent à ce que le Sommet de Tunis réussisse à rapprocher la plupart des points de vue et à imaginer des feuilles de route pouvant redonner espoir à toutes les prétentions dans un monde arabe aux intérêts économiques complémentaires, bien qu'il soit politiquement loin d'être à la hauteur des attentes. L'apport qualitatif de la Tunisie, au lendemain d'une poussée institutionnelle et démocratique que le monde entier semblait voir d'un bon œil, est de nature à débroussailler convenablement et à pouvoir rétablir un bon nombre de ponts et de bretelles sur la voie d'une reconstruction crédible. Mais il ne s'agit pas d'oublier le «péché» originel dont ont souffert les arabo-musulmans en Palestine et à Al-Qods et dont les coups de boutoir ne cessent de s'employer et de se multiplier à l'image des agressions sans fin que subissent les habitants de Ghaza et les spoliations à répétition des terres des habitants d'Al Qods-Est, une capitale promise à l'Etat palestinien mais que le président américain a reconnue en tant que capitale éternelle de l'Etat d'Israël, de la même manière qu'il vient de clamer ces derniers jours le Golan comme territoire appartenant à l'Etat d'Israël. Et sur cette question la diplomatie tunisienne est intransigeante : elle considère que son rôle est, aujourd'hui, de réitérer à l'adresse des puissances occidentales et du monde entier qu'il n'est pas possible de parler de paix, de développement ou de partenariat dans le monde arabe sans trouver une solution juste et durable à la cause nationale du peuple palestinien. Reste l'épineuse question de la réintégration de la Syrie. La Syrie est un Etat essentiel dans l'ensemble du dispositif arabe et elle fut l'un des pays fondateurs de la Ligue des Etats arabes. Cependant, la question du retour de la Syrie n'a pas été évoquée officiellement et ne fait pas partie de l'ordre du jour des question à débattre. Même si personne ne peut empêcher qui que ce soit, le 29 mars, lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères arabes, d'apporter des modifications à l'ordre du jour.