On se dirigeait vers un sommet qui devait consacrer la volonté des Arabes de «renforcer la confiance, la solidarité et la coopération entre eux», comme l'a vivement appelé le président Béji Caïd Essebsi, quand l'Emir du Qatar a décidé de boycotter le sommet et de rentrer chez lui sans même attendre son tour pour faire entendre la voix de son pays et répondre peut-être à ceux qui reprochent au Qatar son alignement excessif sur les Iraniens et les Turcs Hier, au Palais des congrès, à l'avenue Mohamed-V, et avant que l'émir du Qatar ne décide de claquer la porte et de rentrer dans son pays avant même de prendre la parole, il régnait comme un début d'entente ou d'accord sur une possible réconciliation interarabe qui devait même aller jusqu'à réaccueillir la Syrie et la réaccepter au sein de la Maison arabe commune, y compris par ceux qui, un jour avant l'ouverture du sommet, posaient leurs conditions pour avaliser son retour parmi les siens. Malheureusement, le sommet que le président Caïd Essebsi voulait comme «le sommet de la volonté et de la solidarité» et qu'il s'est employé dans son allocution d'ouverture à placer dans la trajectoire de la réconciliation et du dépassement des erreurs et des errements, a dévié de la ligne générale qu'on cherchait à lui tracer quand l'Emir du Qatar a décidé de boycotter le sommet et de regagner son pays sous le prétexte officiel qu'il avait des engagements à respecter et que dès le départ, il était convenu que sa participation se limiterait à écouter le discours d'ouverture du président Caïd Essebsi et celui du roi Salmane Ibn Abdelaziz au cours duquel ce dernier devait céder la présidence du Sommet arabe dans sa 30e édition au président Caïd Essebsi. Certes, le discours du chef de l'Etat a constitué un exemple en matière de structuration des problématiques qu'affronte la nation arabe et en matière de définition des priorités, le tout dans une approche diplomatique élégante où chaque mot était pesé et aucune formule ou petite phrase ne pouvait froisser quiconque parmi les présents ou blesser son orgueil, voire réveiller sa colère et susciter une réaction violente de sa part. Le discours de passation de la présidence du sommet développé par le roi Salmane d'Arabie Saoudite est aussi revenu sur les principaux points à l'ordre du jour comme la crise syrienne, le dossier libyen, la question yéménite, la lutte commune contre le terrorisme, la refonte de l'action arabe commune. Il a aussi fait allusion «aux puissances régionales» (à comprendre qu'il s'agit de l'Iran et de la Turquie qui veulent que la région arabe sombre dans les crises». Mais, il n'a pas exhorté ouvertement les participants au sommet à dénoncer publiquement les interventions inacceptables et les interférences continues des Iraniens et des Turcs dans les affaires des pays arabes qui luttent contre les terroristes (en allusion à Riyad qui fait la guerre aux Houthis yéménites soutenus par Téhéran et aussi aux Turcs qui veulent arracher leur part du gâteau syrien). Sauf que c'est Ahmed Abou Ghaith, secrétaire général de la Ligue des Etats arabes, qui a fait sortir l'Emir qatari de ses gonds quand il a appelé clairement et crûment dans un long réquisitoire anti-iranien qu'«il est temps que les Arabes disent un non catégorique, haut et fort, aux ayatollahs de Téhéran qui sèment la zizanie dans les pays arabes et soutiennent les terroristes sous le prétexte qu'ils combattent pour recouvrer leur liberté et leur dignité bafouée». Le secrétaire général de la Ligue des Etats arabes n'y est pas allé par quatre chemins pour condamner l'Iran et la Turquie, les deux puissances dans la région qui ont soutenu le Qatar quand l'Egypte, l'Arabie Saoudite, les Emirats et Bahreïn ont décidé de lui faire subir un embargo total et ont déclaré que les deux pays endossent la responsabilité de tous les malheurs qui surviennent dans la région. Et ce fut la goutte d'eau qui a fait déborder le vase : l'Emir qatari s'est senti isolé, son pays attaqué par le SG de la Ligue, et qui plus est cherchait à ce que le sommet avalise sa position et a compris peut-être que les présents allaient prendre une position générale qui épinglerait son pays et le présenterait comme un empêcheur de tourner en rond. Pour le moment, on ne sait pas si l'Emir qatari est parti comme convenu à l'avance ou s'il a quitté Tunis en signe de colère et de protestation des discours qu'il sentait dénoncer son pays. En tout état de cause, en écoutant le discours du président égyptien, Abdelfattah Al-Sissi, intervenant après le départ de l'Emir Tamim, on peut affirmer que ce dernier ne pouvait pas rester dans la salle et qu'il a mieux fait de claquer la porte avant que le raïs égyptien ne dise ce qu'il avait sur le cœur à propos de ce que «mijotent l'Iran et la Turquie pour que les Arabes sombrent, de plus en plus, dans les guerres civiles et pour que le sang arabe n'arrête pas de couler».