Dans le secteur de l'artisanat, depuis des décennies, il y a eu en Tunisie plusieurs microprojets, beaucoup d'entre eux ont poussé, éclos et réussi, d'autres ont été arrêtés en cours de route, faute d'une mauvaise approche ou de manque de souffle, d'autres encore existent, souffrant de manque de moyens ou d'absence de marché. Sidi Bouzid. La région est plantée d'oliviers, depuis des lustres, les artisans locaux exploitent le bois de ces arbres, le transforment en objets usuels ou décoratifs, bols, écuelles, cuillères etc, qu'ils écoulent à Sfax ou Sousse. Sans encadrement, sans structures organisées. Autant dire une forme d'artisanat de survie, au mieux, un emploi d'appoint. Aussi, l'Onudi (Organisation des Nations Unies pour le développement industriel), s'est penchée avec rigueur sur ce secteur, apparemment mal et sous- exploité, mais prometteur. L'organisation onusienne, après des études approfondies sur le potentiel générateur de revenus et d'emplois inexploités, a engagé un projet intitulé Zytuna. Monica Carco, initiatrice du projet, représentant l'Onudi en Tunisie, avance les arguments de ce projet «Riche de notre expérience en matière de développement de très petites entreprises (TPE), nous avons analysé la dynamique du secteur du bois, identifié le potentiel existant, évalué la matière première et constaté les points faibles, puis nous avons essayé de renforcer les capacités des tout petits artisans pour leur apprendre à organiser un atelier et de passer ensuite d'une gestion d'atelier à un mode entreprise avec ce qu'exige ce type de changement», Une action avec les artisans a été enclenchée pour développer cette industrie, laquelle, à terme, pourrait générer des emplois additionnels, plus de mille familles pourraient en bénéficier. «Ce projet tend à accroître la valeur ajoutée pour améliorer les revenus et l'emploi» écrit Riadh Zghal, professeur émérite, consultant auprès de l'Onudi, dans une étude présentée à l'Iset Sidi Bouzid. Un deuxième constat consigné : les salaires actuels des travailleurs et les revenus des entrepreneurs pourraient être notablement améliorés si la chaîne industrielle introduisait dans la création des objets, les innovations technologiques. Ce qui ouvrirait des pistes pour de nouveaux marchés et créer durablement de la richesse et de l'emploi. Il est bien connu et admis chez les chercheurs en psychologie des organisations que méconnaître le vécu des salariés, des artisans face au changement, c'est se condamner à l'échec. Donc, un plan a été mis en place, déployé en 4 phases. Notons que l'approche et la conception du projet ont été élaborées avec les artisans. «La préparation pour définir le projet et le concevoir a été effectuée en groupe, avec les intéressés, notre démarche s'appuie sur cette collaboration pour le mener à sa réussite», ajoute Carco. Novembre 2011. La chaîne de valeur. Les experts effectuent une visite de la région, rencontrent les artisans et procèdent à un travail de documentation sur la collecte et la transformation du bois d'olivier. Ils ont recueilli les données et analysé les observations, puis relevé les points faibles de la chaîne. Les ateliers ont été animés par Héla Cherif, Sofiène Ben Mahjoub,Najib Albouchi et Riadh Zghal. Trois axes majeurs ont été identifiés: le problème du financement qui réside dans l'insuffisance du fonds de roulement à la disposition des entrepreneurs pour l'achat et le stockage du bois, l'organisation des ateliers, car en l'absence d'objectifs clairs, de planification, de maîtrise des coûts, ces entrepreneurs sont dans l'impossibilité d'assurer une organisation rationnelle, ni une gestion saine de leur activité et enfin la commercialisation, ou la valorisation de leurs produits à travers des outils de communication efficaces dans le but de vendre directement aux clients sans passer par des intermédiaires. Les actions menées par l'équipe ont abouti à la mise en place d'ateliers de formation et informations : un premier groupe d'artisans fut constitué. L''équipe a accompagné ce groupe pendant six mois, de mai à octobre 2012. En quoi consiste cet accompagnement ? Riadh Zghal indique: «Principalement à aider les artisans à développer leur affaire, de passer d'un mode de gestion atelier à un mode entreprise en bénéficiant de l'expertise des entreprises». Un atelier, étalé de février à juillet 2013, a été formé pour accompagner un second groupe d'artisans. Comme le premier atelier, il n'y a pas eu de modèle préconçu, mais les travaux ont été préparés et finalisés en fonction des besoins de la filière avec les intéressés. Qualité de la production «Le secteur de la transformation du bois d'olivier est très peu visible, nous indique Héla Chérif, consultante auprès de l'Onudi, en charge de la valorisation du produit et à l'accès du client. Pour entrer dans une logique efficace de vente du bois, il est nécessaire de passer par des étapes incontournables, telles que l'emballage, l'identité et la visibilité du produit, de sa création et la mise en place de structures viables pour faciliter l'accès direct aux clients» ajoute-t-elle. Les cycles de formations ont été couronnés de succès. A ce jour, les efforts de participation et la volonté exprimée par les artisans ont abouti à des résultats encourageants pour la continuité de ce projet. Ce sont de nouvelles filières qui ont été ouvertes aux artisans dont certains ont manifesté un véritable engagement pour l'organisation et pour l'association autour d'un label «Zytuna Design». Grâce à celle-ci, les artisans ont affronté ensemble des marchés européens et ont démarré leurs exportations vers l'Espagne. Mieux, la chaîne internationale Habitat, spécialisée dans la vente des produits de maisons et décoration, a découvert le label, des contrats sont en cours de finalisation, elle va bientôt exposer et commercialiser les produits «labellisés», autant dire que l'industrie du bois d'olivier de Sidi Bouzid a de beaux jours devant elle.