Il est mort à vingt-huit ans. Il est parti en silence, ravi à la fleur de l'âge, des suites de l'explosion d'une mine à Jebel Ouergha. Feu lieutenant Mohamed Ali Toujani a succombé à ses blessures hier, tôt dans la matinée, laissant derrière lui une famille plongée dans le chagrin et des collègues et amis endoloris. Encore une fois, l'abject terrorisme a frappé dans les montagnes et souillé de sa laideur le sol tunisien. Encore une fois, des mains tâchées de sang ont assassiné l'un des nôtres et lui ont ôté la vie. L'ignoble terrorisme a encore eu raison d'un des braves qui veillent au salut de la patrie, cueillant son âme au printemps de sa vie. Jusqu'à quand ? Le drame est survenu samedi dans le mont Ouergha situé au Kef. Alors qu'il était sur les lieux en mission, une mine a explosé sous le lieutenant de l'armée Toujani. Cela lui a valu l'amputation de sa jambe gauche et une double fracture ainsi que de nombreuses blessures à la jambe droite. Le lieutenant Toujani a immédiatement sombré dans le coma. Il a été transporté d'urgence à l'hôpital militaire où il a reçu les premiers soins et a été opéré. En état de mort cérébrale pendant de longues heures, il a succombé à ses blessures hier tôt dans la matinée. Une perte énorme pour sa famille mais aussi pour l'armée tunisienne qui regrette la mort d'un des siens, brillant jeune homme ayant étudié pendant 5 ans à l'Académie militaire et soutenu son projet de fin d'études à l'Académie royale de Belgique. Depuis la révolution de 2011 et la montée en puissance de la menace terroriste, l'armée a perdu 69 de ses soldats, en comptant le lieutenant Toujani, pris pour cibles et assassinés par les extrémistes retranchés sur les hauteurs des montagnes ou décédés suite à l'explosion d'une mine cachée au sol. De Jebel Ouergha à Jbal Lahirech, du Mont Semmama à celui de Chaâmbi et sur tous les fronts, l'armée traque sans répit les terroristes terrés dans les tréfonds des régions montagneuses, notamment celles jouxtant la frontière tuniso-algérienne. Un travail minutieux qui nécessite une mobilisation de toute heure et de chaque instant surtout que les ennemis sont disséminés un peu partout et que jusqu'à un passé proche, l'armée ne maîtrisait pas le phénomène dans sa globalité mais aussi manquait cruellement d'information et surtout d'équipements. Aujourd'hui, la donne a changé et dans le bon sens heureusement. D'abord, il y a eu, en 2014, création de l'Agence des renseignements et la sécurité pour la défense. Il y a également eu, au fil des années, renforcement de la collaboration entre les différentes unités sécuritaires et les ministères pour une efficacité optimale aussi bien dans la collecte d'informations sensibles que sur le terrain lors des interventions. Enfin, il y a eu acquisition de matériel dédié à la lutte contre le terrorisme, entre radars de surveillance, drones, hélicoptères, blindés et autres équipements répartis sur les trois armées. Cette avancée a permis à l'armée de traquer les ennemis de jour comme de nuit, de mieux les repérer et d'intervenir avec précision et discrétion. De position de défense, l'armée est passée à l'attaque et a pris le dessus, resserrant autour des terroristes l'étau, les empêchant désormais de s'installer durablement dans une région précise, de communiquer librement entre eux, de se ravitailler en grand quantité, de planifier à long terme et surtout de se sentir en sécurité. Se sachant traqués de partout et à longueur de journée, ils sont plus que jamais fragilisés, vivent désormais dans des camps de fortune, ne se nourrissent plus à leur faim et boivent fréquemment de l'eau non potable à défaut de réserves en eau et en denrées alimentaires. Autant de facteurs qui expliquent la sporadicité de leurs actes criminels depuis quelques temps. Le casse-tête des mines Reste toutefois un problème de taille, à savoir les mines, posées ça et là sur le terrain et bien cachées à même le sol. Au fil des ans, les terroristes ont acquis une certaine technicité dans l'élaboration de mines toujours plus innovantes et discrètes, encore plus meurtrières. En parallèle, les équipes de déminage de l'armée ont renforcé leurs connaissances dans ce domaine et relèvent aujourd'hui d'une expertise appréciable dans la détection des mines. Reste qu'un incident est si vite arrivé, surtout que le terrain est vaste et hostile. Grâce à des équipements innovants, il est désormais possible de les déceler avant leur explosion mais il faut savoir que le problème des mines terrestres n'est pas exclusif à la Tunisie et que partout dans le monde on se démène pour y trouver une solution.