En compétition officielle aux JTC, la pièce « Psychose 4.48 » mise en scène par Sow Souleymane et Tella Kpomahou de la Côte d'Ivoire et interprétée par Kouame Ehoussou Toussaint et Tella Kpomahou a été présentée récemment à la salle du Quatrième Art devant un public nombreux. Cette pièce a été écrite au départ par l'auteur britannique Sarah Kane (1971-1999) qui a choisi de se suicider tout comme le personnage principal de sa pièce. Et pour rappel, sa pièce a été jouée en 2000, outre-tombe. Nous avons eu droit à une version africaine, voire ivoirienne de ce monologue qui nous a fait rappeler que le théâtre de Sarah Kane repose sur le texte en premier lieu. Et mieux encore, le thème de cette pièce est universel d'autant plus que les faits se passent au niveau de la pensée et des sentiments de l'être humain. Nous parlions d'africanité, car l'atmosphère de la pièce, par le biais du bruitage, particulièrement celui de la musique et du son de la kora rappelle que nous sommes en Afrique subsaharienne. La pièce aura donc voyagé de la Grande-Bretagne, pour être traduite et jouée en France, puis en Côte d'Ivoire, pour atterrir enfin en Tunisie aux Journées théâtrales de Carthage. Le caractère africain de ce festival nous donne cette opportunité. Sur une scène presque nue, c'est une atmosphère lugubre qui règne avec une jeune fille désemparée et en colère qui décrit et raconte sa situation, tout en étant assise sur une chaise, debout ou étendue à même la scène. Bref, c'est le dégout total de la vie qu'elle ne supporte plus. Elle a déjà décidé et fixé l'heure, à la minute près, de son départ, quatre heures quarante huit son passage de vie à trépas après qu'elle se serait pendue. Et que vient faire le médecin qui fait des apparitions par intermittence pour essayer de soulager sa souffrance en lui proposant des injections et autres médicaments ? Ces deux personnages sont à l'opposé, voire aux antipodes de la réalité vécue par cette femme lassée et troublée qui ne songe qu'au suicide. Sa psychose est énorme et incurable. Son salut est tout simplement l'acte de sa propre mise à mort. Et dans la mise en scène, le fantôme de la mort apparait lui aussi par intermittence, soit sur scène, soit en ombre chinoise. Le discours est âpre, difficile à supporter, à l'image du quotidien de cette jeune fille, la fin approche. Ce texte nous prend au dépourvu et nous laisse abasourdi, car il descend tel un couperet sortant des sentiers balisés du théâtre classique et même moderne. Le jeu abouti des deux comédiens avec une meilleure aisance chez la comédienne a donné sa force à cette pièce.