Mois après mois, Kairouan continue de lancer un SOS social, en vain ! Les statistiques de la région, située au nord-est de la Tunisie, en termes de protestations sociales mais aussi de suicides et d'actes de violence est alarmant au fil des semaines, au fil des années. Le bateau coule, emportant dans sa chute vers les profondeurs de l'abîme des centaines de destins déchus. SOS, Kairouan en détresse. Y a-t-il un capitaine à bord ? Selon les derniers rapports publiés par le Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux (FTDES) pour les mois d'octobre et novembre, Kairouan serait en tête des gouvernorats en termes de statistiques concernant les mouvements de protestation sociale, mais aussi les tentatives et les cas de suicide. Triste prouesse ! Ainsi en octobre, Kairouan aurait enregistré 100 mouvements de protestation,sur un ensemble de 467 cas enregistrés à travers tout le territoire. En novembre, le chiffre est passé à 174 sur un total national de 746 cas. Par ailleurs, les cas de suicide et de tentatives de suicide se font toujours aussi constants dans cette région de la Tunisie, réputée pour son conservatisme. Enfin, il est mentionné dans le rapport du FTDES que les gouvernorats de Tunis et de Kairouan ont ete les régions qui ont connu le plus de violence. Ces actes violents ont été dans leur majorité de nature criminelle, avec un aspect relationnel et ayant pour cause la vengeance ou encore le vol ou l'agression. Parmi les fléaux qui rongent Kairouan et handicapent son développement, le chômage qui avoisine les 17%, mais aussi le taux de pauvreté qui culminait en 2017 à 34%. Des jeunes sans horizons professionnels, tiraillés entre la modernité de l'époque et le conservatisme des aînés, mais aussi des groupes religieux qui sont nombreux dans la région et qui affichent ouvertement leurs positions et idéologies rigoristes, voici la réalité sans fards ni paillette de la ville de Kairouan et ses environs. Nombreux sont en effet les jeunes qui avouent y «étouffer» et n'avoir ni lieux de loisir ni de culture qui pourraient constituer une échappatoire pour quelques heures dans un quotidien morne fait de privations. Pourtant, ce ne sont pas les ressources naturelles qui manquent dans la région et encore moins le potentiel historique et culturel. Réputée dans le monde pour être le berceau tunisien de l'Islam, cette piste aurait pu être économiquement exploitée pour mettre en place un circuit de tourisme religieux, modéré cela va sans dire, comme le font d'autres villes dans le monde. Abritant des merveilles architecturales, réputée pour quelques plats locaux, idéalement située, Kairouan aurait pu attirer des milliers de touristes si tout ce potentiel avait pu être intelligemment exploité, ce qui aurait créé des emplois à la pelle pour les locaux et atténué les tensions. Mais on préfère apporter de petites solutions temporaires à chaque fois et faire comme si tout était au mieux dans le meilleur des mondes. Mouvements de protestation ? Ce n'est pas une première ! Nombreux cas de suicides et notamment de suicides juvéniles ? On mettra en place, un de ces jours, une campagne de « sensibilisation » ! Récurrence de la violence ? Le Tunisien est violent de nature, on n'y peut rien ! Nécessité de consacrer plus de fonds pour le développement de la région ? Les caisses sont vides ! Voici ce qui semble être, à chaque fois, les réponses des décideurs au fil des années à une situation explosive qui risque de dégénérer à tout instant. Mais comme toujours dans ce cas, ils feront preuve d'un étonnement béat et diront, avec toute l'innocence du monde « On n'avait rien vu venir !»