Déconstruire les stéréotypes autour de la femme, dénoncer les violences faites aux femmes dans la société arabe et européenne ou encore pointer les travers du modèle impérialiste basé sur la déshumanisation des relations humaines, tels sont les principaux thèmes abordés par la pièce tuniso-suisse « Zone Restreinte « de Peter Baschler, jouée dimanche dans l'espace El Teatro dans le cadres de la 20ème édition des Journées Théâtrales de Carthage (JTC). Dans une zone de transit dans un aéroport, deux femmes une tunisienne voilée Layla (Yosra Ammouri) et une suisse Lucia (Meret Bodamer) se trouvent forcées à se côtoyer. Une alerte rouge déclarant une menace portée par une femme retardera leur embarquement et les oblige à se parler. Durant les heures de quarantaine, un dialogue de sourd s'installe entre les deux femmes où la confrontation à l'autre se met en scène. Gouvernée par la peur de l'autre et la méfiance, les deux femmes se livrent à un dialogue incompréhensible où la violence et l'accusation sont les maîtres mots. Face aux directives de fouilles et d'humiliation imposées par les gardes-frontières, les deux femmes prennent conscience de leur douleur commune. Au-delà des différences, cette création produite conjointement par le théâtre Mass'Art (Tunisie) et Theatre Maralam (Suisse), aborde l'universalité des problématiques communes à la femme d'une manière générale en dépit de leur différence : les relations conflictuelles entre mère et fille, la violence faite au corps de la femme, le statut de la mère célibataire et le tiraillement entre désir de liberté et exigence sociale. De leur rencontre se dévoilera ainsi au fil de la pièce la vérité cachée, celle de la quête et des désirs qui poussent les deux femmes à voyager et à dépasser la frontière à laquelle leurs vies étaient confinées. De la profondeur et de l'humour, le texte de la dramaturge Samia Amami apporte de la justesse aux thématiques posées. A travers Layla, Samia Amami traite du statut de la femme tunisienne après la révolution, de ses rêves et des défis qu'elle doit surmonter face à la montée du terrorisme. Au fil des actions, Layla se dévoile par la parole et se met à nu face à son interlocutrice. Le Hijab n'est plus ce vêtement synonyme de terrorisme mais un moyen pour mieux accéder à une liberté désirée. Pour Lucia, derrière la force de caractère affirmée au début, se dresse une femme fragile et tourmentée par ses désirs de maternité et son ambition professionnelle. De l'allemand, du tunisien et du français, les langues utilisées par les actrices se mêlent et se croisent afin de mieux accentuer le caractère universel des sujets traités au-delà de la condition féminine.