C'est le temps qui manque le plus. Ou le ton ? Le premier nous fait défaut, à l'échelle du pays. Le second marque le pas, puisqu'on en est là à chercher des signes. Faute de pouvoir comptabiliser des faits. En auscultant un bilan « rachitique », qu'il faudrait radioscoper, si l'on a bien compris, par l'autre bout de la lorgnette : celle qui ne grossit pas les défauts de l'armure mais vante l'ossature de celui qui la porte, en guise d'argument de vente, est-il aisé d'optimiser, un bilan plus qu'équivoque, lequel afficherait, par endroits, mais alors il faut bien chercher !, une bonne santé de façade, lorsque tout va mal dans un pays, qui doit s'inventer toutes les raisons du monde pour se lever matin, et y croire à nouveau ? Ce n'est pas si sûr… En ce sens, répondre à la question si oui ou pas, Chahed a réussi son examen de passage, en « s'adressant à la Nation », selon la formule consacrée, à travers cet entretien télévisé sur « Attessia », sensé fournir des éléments de réponses à des points d'interrogation qui restent en suspens, et qui sont relatifs à la réalité, socio-économique et sécuritaire dans le pays, lorsque le citoyen-lambda n'arrive plus à voir le bout du tunnel, et n'a plus aucune confiance en les politiques pour le sortir de l'impasse, s'avère être un exercice des plus périlleux. Car c'est à une caution de confiance, à accorder ou pas au Chef du gouvernement, vu que l'on est resté sur notre faim, sur les questions essentielles, que reviendra le rôle de rassurer, ou pas, les Tunisiens, sur l'avenir improbable, et fortement hypothéqué de leur pays. Jusqu'à preuve du contraire. Sur un autre plan, les liens qu'entretient Chahed aujourd'hui, avec le Président de la République, ceux qu'il cultive avec Ennahdha, ou avec « Nidaa », s'ils revêtent une certaine importance, le relèvent, cependant pas de l'essentiel. Sauf dans la mesure où ils s'inscrivent, en creux, immanquablement, dans les orientations à venir sur l'impératif sécuritaire, c'est à dire avec le terrorisme. Mais il ne faut pas se mentir : la question-clé, celle qui interpelle une grande majorité des Tunisiens, c'est celle relative au pouvoir d'achat du citoyen-lambda. On lui demande encore de serrer la ceinture, en prévision d'une hypothétique embellie qui daignerait pointer le bout de son nez en 2020, lorsqu'il frôle l'asphyxie à force d'avoir serré, à l'aune de considérations qu'il se refuse à comprendre et qui lui compliquent encore plus sa vision des choses, dans un pays qui marche à reculons depuis 2011. Ah, c'est vrai : maintenant il peut s'exprimer ; c'est important et c'est précieux, mais ça ne lui remplit pas son ventre et il ne veut surtout pas avoir à choisir ! La parole libérée oui, mais le libéralisme sauvage et galopant, non vraiment, sans façon ! Et Chahed aura beau jeu de préciser que nous sommes allés chercher le FMI chez lui, et non pas le contraire, le résultat est là. Et il est pitoyable. Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà de ta jeunesse, comme dirait l'autre ? La jeunesse de Youssef Chahed est un atout dans son manche, certes. Mais il n'est pas suffisant. Il faudra joindre le geste à la parole. Et pour le moment, s'il est vrai que le locataire de la Kasbah s'est astreint à s'exprimer en « homme d'Etat », responsable, qui se refuse à avoir la main qui tremble, sur le terrain, en termes de résultats tangibles et concrets, l'on est encore, pour ce qui est de la prospérité économique et sociale, que tout un chacun appelle de ses vœux, encore loin du compte. Au plus bas de l'échelle s'il est permis davantage. Ce qui n'est pas la posture idéale pour optimiser. A moins de se voiler la face…