«Lumumba ou les martyrs du Pondoir» est un hommage théâtral d'un auteur ivoirien, à savoir Liazéré Elie Kouaho, à l'un des plus grands hommes africains et plus précisément congolais (RDC/ Kinshasa) : Patrice Eméry Lumumba. La vie et la mort d'un grand homme portées, de toute son âme, par le comédien Adji Gbessi. La période des protectorats et des colonisations de toutes sortes, puis celle des indépendances ont permis au monde de connaître de grands hommes : Bourguiba en Tunisie, Gandhi en Inde, Mandela en Afrique du Sud, ou encore Sankara au Burkina Faso, et nous en passons. Des grands hommes qui ont souffert pour leurs pays. La République Démocratique du Congo (RDC), elle aussi, possède son héros, dont la fin tragique a marqué les mémoires : Patrice Eméry Lumumba. Héros de toute une nation et de tout un continent aussi, il est devenu, aussi, le héros, entre autres, de livres, de films (notamment celui de Raoul Peck), et de pièces de théâtre, comme «Une saison au Congo» d'Aimé Césaire. Une autre pièce porte aux nues ce héros congolais : «Lumumba ou les martyrs du Pondoir», écrite par l'auteur ivoirien Liazéré Elie Kouaho, a été présentée lors du Marché des Arts du Spectacle d'Abidjan, durant lequel nous avons eu l'occasion de la voir, malgré un cadre qui ne s'y prêtait pas du tout, puisque la représentation était dans une salle semi-fermée, ouverte aux bruits extérieurs, sans la technique nécessaire à la lumière. Un cadre qui a, quelque peu, dérangé le côté intimiste de la pièce. Dans l'intimité d'une dernière prison Peu importe puisque, malgré ces problèmes et les problèmes de micro (nécessaire pour que la voix du comédien puisse être portée au public et couvrir les bruits extérieurs), Adji Gbessi a su faire face à ces désagréments et endossé le rôle de Lumumba, ainsi que les rôles inhérents comme Pauline, l'épouse du héros congolais, deux partisans, à savoir Maurice Mpolo et Joseph Okito (les deux autres martyrs du Pondoir), et d'autres personnages entrant dans la narration. Une narration de Lumumba dans l'intimité d'une dernière prison. Malgré les mauvais traitements et les tortures qu'il subit, Patrice Lumumba résiste et pour cela il se remémore et relate sa vie, son combat pour l'indépendance de son pays face aux colons belges, la trahison dont il fut victime, sa fuite pour protéger sa famille. Il sait qu'il va être exécuté. Mais, il garde toujours une lueur d'espoir. Il sait qu'il a encore des partisans. Mais l'homme est tellement versatile que Lumumba n'est plus sûr de rien. Il pense à sa patrie. Il pense à sa famille. Il pense à son œuvre. Adji Gbessi a fait revivre Lumumba devant un public composé essentiellement de lycéens attentifs à sa narration. Une leçon d'Histoire qu'ils ne trouveront pas forcément dans leurs livres. Une leçon de courage, d'abnégation et de ténacité. La leçon d'un homme qui a su faire face à l'esclavagisme (tout protectorat et toute colonisation sont de l'esclavagisme), à la trahison, à la perte d'êtres chers, à la séparation. Un homme qui ne renia jamais ce qu'il a été et qui n'a jamais courbé l'échine. Pas évident d'incarner un tel personnage, d'y être fidèle et de jouer dans une scénographie dépouillée. Lourde charge sur les épaules. Mais Adji Gbessi a réussi. Et pour comprendre l'importance de Lumumba pour notre continent, il faut se rappeler ces mots d'un homme visionnaire, fusillé et dont le corps aurait été dissout dans de la chaux : «Tous ont compris que si le Congo meurt, toute l'Afrique bascule dans la nuit de la défaite et de la servitude. Voilà encore une fois la preuve vivante de l'Unité africaine. Voilà la preuve concrète de cette unité sans laquelle nous ne pourrions vivre face aux appétits monstrueux de l'impérialisme. […] Entre l'esclavage et la liberté, il n'y a pas de compromis»...