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Chronique d'un GAP monstrueux !
Publié dans Le Temps le 05 - 04 - 2020

Ces monstrueux attroupements devant les bureaux de poste nous renvoient à la réalité des fractures sociales, des disparités régionales, à ce seuil de pauvreté qui n'a jamais été scientifiquement établi avec exactitude par les statistiques officielles. Connaissons-nous réellement le nombre de pauvres et le nombre de ceux qui vivent sous le seuil de la pauvreté? Les chiffres, parcimonieusement maquillés, nous ont toujours menti. Churchill avait raison de dire qu'il ne se fiait aux statistiques que s'il les avait lui-même falsifiées.
Voilà donc que l'Etat est rattrapé par une réalité récurrente, latente, et qui est allée en s'amplifiant depuis des décennies. Il aura fallu le Covid-19 pour dévoyer nos systèmes de gouvernance, pour nous ouvrir les yeux sur la lutte pour la survie au quotidien de pans entiers de la population. Pour révéler les dysfonctionnements sélectifs des Etats-providence, depuis Bourguiba, en passant par Ben Ali, jusqu'aux sept gouvernements qui se sont succédé depuis cette révolution qui n'est bénie que par les tribuns récupérateurs.
« Les misérables »
Identifier ces pans entiers de la population qui luttent pour la survie (très simple que d'en établir le nombre à hauteur de 630 mille personnes et très sommaire aussi) cela aurait dû être fait depuis longtemps. Et les chiffres actualisés, au jour le jour, devaient eux aussi être établis et révélés à l'opinion publique et non pas rester l'apanage de ces gouvernants d'autant plus enclins à l'enfermement dans le discours politique mielleux que la communication est érigée en tabou. Et l'on vient, maintenant, nous dire que seuls 30% parmi nos concitoyens croient en l'unité nationale !
Au demeurant, l'identification de cette population oubliée par la croissance établie à la hâte par le gouvernement Fakhfakh révèle toutes ses limites. Tant au niveau du nombre réel qu'au niveau de la logistique. Mais doit-on le tenir pour responsable de ces rushs incontrôlables sur les bureaux de poste des bénéficiaires de ces misérables aides ? La famine ne connait pas de Covid-19. On se croirait même en plein dans ce « Germinal » d'Emile Zola, voire dans « Les Misérables » de Victor Hugo aussi, scénarii plantés depuis déjà des siècles et dont la réalité tunisienne nous en propose un remake.
Nous n'avons plus, par ailleurs à choisir entre la peste et le choléra. Le Covid-19 les supplante tous les deux. Il a aussi une dimension métaphysique. Mais, il nous impose aussi à choisir entre lui et la famine. Le gouvernement a établi la santé des Tunisiens en priorité absolue. Mais la famine agite son spectre démoniaque : la survie de ces miséreux s'érige elle aussi en priorité absolue. Qui passe dès lors en premier : la santé ou la survie ?
Mais, par ailleurs, cela nous renvoie au grand bluff de l'Etat-providence. Bourguiba ne saurait être mis en équation. Il a bâti le Nouvel Etat sur les décombres de la colonisation, avant que son œuvre ne se confonde dans le naufrage de l'âge. Mais, après lui, 23 ans de règne de Ben Ali, ses discours sociaux, son 26-26 et son Etat-providence à lui, nous laissent quoi, en fait, en dehors du népotisme et d'une classe moyenne nivelée pour mieux cacher « Les misérables » ? Et, après Ben Ali, les nouveaux seigneurs du pays n'ont-ils pas aggravé la saignée sociale ?
Quand les partis se voilent la face
Oui, c'est le constat amer d'un gap monstrueux. Mais, là, il faudra faire attention : appauvrir les riches ne conduit pas à enrichir les pauvres. Et, encore une fois, il ne convient pas, en cette conjoncture dont on ne sait pas où elle nous mènera, de diaboliser le Capital conspué, déjà, aux premières heures de la « révolution », par un Hamadi Jebali qui sonnait la charge, le qualifiant en dialecte arabe de « jaban », traduisez : « lâche ». Les hommes d'affaires et leurs entreprises privées payent 20 milliards de dinars d'impôt à l'Etat. Et, bon nombre d'entre eux sont rackettés par certains partis. Ils vivent aussi dans un climat de terreur. Ils le vivaient avec Ben Ali, ils le vivent avec la « révolution ». Les menacer de représailles fiscales en ces temps où ils sont appelés à soutenir l'effort de guerre est, pour le moins, malvenu. Ces partis qui ont su aller vers ces « miséreux » pour acheter leurs voix lors des élections ne vont pas vers eux pour les aider à survivre. L'effort de guerre est, en effet, différemment perçu. Les partis se voilent la face. Eux, ils savent mieux que l'Etat où se meut la pauvreté et la précarité. Leurs cartes sociales sont autrement mieux actualisées que celles de l'Etat. De surcroît, eux, savent mieux que l'Etat où campent les grands bonnets de la contrebande, ceux-là mêmes qui prennent le peuple en otage, qui institutionnalisent même le circuit parallèle et, donc, la corruption dont l'indice est allé toujours crescendo depuis 2011, même s'il s'était ancré avec le régime déchu.
Fakhfakh et son gouvernement ont-ils les moyens de conjurer cet autre virus institutionnalisé ? L'article 70 suffira-t-il pour aller là où règnent ces « saigneurs » de la guerre ? Pourra-t-il barrer la route au processus classique des guerres là où se créent les nouvelles fortunes occultes, là où les prédateurs s'adonnent à l'exercice satanique des sangsues ? Pourra-t-il, en deux mois, casser la chaine des protecteurs occultes ?
Plutôt que d'assister à des palabres à n'en plus finir au sein de l'hémicycle, plutôt que d'obliger Nizar Yaïch à devoir dire que la loi de finance 2020 est mal conçue, plutôt que de nous faire la morale, une profonde introspection de la part de nos politiques et de nos élites de façon générale serait, aujourd'hui, salutaire, ne serait-ce que pour le moral de la Nation, pour ceux qui sont en première ligne pour affronter le mal.
Aujourd'hui, c'est le concept d'Etat-providence, notre roman des origines, qui est dévoyé. Quelque part, aussi, les « partis-providence » le sont tout autant. Et cela, alors que le Covid-19 nous renvoie à la réalité de l'individualisme et de l'égoïsme. A la réalité de ce GAP social.
Qui aura le courage de faire son Mea culpa ? Il ne faut pas s'attendre au miracle. A la limite le Covid-19 pourrait être battu. La cupidité politique, non.


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