Malgré le confinement, le Mois du patrimoine aura été l'occasion de rendre hommage aux multiples facettes de notre héritage antique, islamique, moderne et immatériel. Même si le faste habituel n'y était pas, le Mois du patrimoine ne sera pas passé inaperçu. Bien sûr, les conditions léonines du confinement n'auront pas permis l'organisation de nombreuses manifestations, devenues des classiques de cette célébration du patrimoine. Il n'en reste pas moins que la prise de conscience de l'importance de notre legs historique est devenue un élément diffus dans le paysage culturel. Ainsi, cette nouvelle édition aura permis de noter plusieurs constantes qui sont le socle de notre relation au patrimoine. Le travail de fond de l'Institut national du patrimoine Institution centrale dans la politique du patrimoine, l'Institut est au coeur de toutes les initiatives de recherche. Ce sont les spécialistes de l'Institut qui en général donnent le tempo et ouvrent de nouveaux horizons. Dans le domaine antique, ils se déploient sur tous les terrains et poursuivent les fouilles et l'animation de la recherche. Dans tous les autres domaines, l'INP conjugue travaux universitaires et encadrement des chercheurs. De plus, cette institution qui relève du ministère des Affaires culturelles déploie un important dispositif pour la protection du patrimoine dans tous ses aspects. La centralité des musées tunisiens Qu'ils soient nationaux ou simplement liés à un site précis, les musées tunisiens sont présents un peu partout. Malheureusement, tous ne sont pas ouverts et certains ont besoin d'un sérieux lifting. Si l'attention du public et des touristes est essentiellement concentrée sur le musée du Bardo ou ceux de Carthage, Sousse et El Djem, plusieurs autres musées mériteraient d'être exploités de manière plus dynamique. En effet à Bulla Regia ou Sbeitla, les musées antiques qui sont liés aux sites historiques sont fermés au public. D'autres musées comme à Mahdia ou Sfax restent trop statiques et n'ont pas bougé depuis des décennies. En effet, malgré les progrès de notre muséographie, les progrès sur le terrain ne sont pas palpables. Hormis le musée de Sousse, le plus moderne de Tunisie, rares sont les institutions muséales à avoir évolué. Par ailleurs, de nombreux musées privés continuent à attendre le feu vert des autorités. Fleuron de la muséographie tunisienne, le musée du Bardo reste le lieu focal et constitue à juste titre, une fierté nationale. Il reste aux villes de Tunisie à prendre des initiatives pour la création de musées locaux qui mettraient en valeur leur patrimoine spécifique. Ces musées pourraient être municipaux, associatifs et basés sur des initiatives de partenariat public-privé. Les quatre horizons du patrimoine tunisien L'intérêt du Mois du patrimoine, c'est qu'il permet une prise de conscience globale de la notion d'héritage dans sa double acception culturelle et historique. En effet, grâce aux nombreuses actions de sensibilisation, le public est désormais ouvert à toutes les nuances du patrimoine. Ce dernier a quatre horizons qui intègrent le patrimoine antique, islamique, moderne et immatériel. Désormais, le public a autant de respect pour un immeuble du dix-neuvième siècle que pour des monuments historiques plus évidents. De même, certains plats typiques, certaines traditions populaires et usages transmis par l'oralité, ont conquis leur statut patrimonial et sont protégés, étudiés, recensés au même titre que les monuments physiques. Des efforts restent pourtant à faire dans plusieurs domaines. Il serait en effet important de définir une politique de protection des ksours du sud tunisien ou bien de créer pour des personnages très âgées et expérimentées, le statut de trésor humain, comme cela se fait dans plusieurs pays. Des approches spécifiques pourraient aussi être envisagées en matière de patrimoine lié à la mer ou au travail agricole. Beaucoup reste à faire pour la sauvegarde et la recension des patrimoines paysans. Enfin, si certains sanctuaires de l'Islam populaire sont pris en charge en termes de restauration, d'autres attendent de l'être. En attendant l'année prochaine! L'édition 2020 du Mois du patrimoine a pratiquement vécu. Elle a eu une fonction surtout symbolique et n'a pas été accompagnée par les centaines de manifestations qui lui sont liées. En effet, à l'occasion de la célébration du Mois du patrimoine, toutes les institutions relevant du ministère des Affaires culturelles ont pour coutume de développer des programmes spéciaux. Cette année, les maisons de la culture, les bibliothèques publiques et les associations culturelles se sont abstenues mais la célébration du patrimoine restait dans l'air du temps. Du 18 avril au 18 mai, la tradition est bien établie pour le public qui sait qu'il s'agit d'un mois entier consacré au patrimoine et aussi de deux journées d'ouverture gratuite de tous les musées du pays auxquelles s'ajoute celle du premier dimanche du mois de mai.