L'histoire nous renseigne sur les changements de comportements de société après chaque épidémie, comme l'industrie du tourisme n'existait pas en ces temps lointains de pestes, de choléras etc…, on ne trouve pas de documents relatifs à ce secteur. Né timidement à la toute fin du XVIIIe siècle, initié par l'aristocratie anglaise, le grand Tour ou « tourism » (mot francisé par Stendhal en tourisme 1838 dans son ouvrage « Mémoire d'un touriste ») s'est développé en Europe au XIXe siècle avec les écrivains et les artistes, il s'est structuré au XXe siècle, s'est popularisé en France pendant le Front populaire en 1936 et les congés payés, il connut son apogée à la faveur de la mondialisation (non régulée) dans les années 90. Depuis un peu plus de 20 ans, l'industrie du tourisme s'est répandue sur terre d'une manière inouïe et sans freins ; le modèle économique actuel s'est construit trop rapidement avec la création de nouveaux et nombreux concepts (balnéaire, montagne, rural, désert, aventure, culture, écologie, club etc.). Actuellement il n'y a quasiment plus de pays, de région qui n'a pas ses zones touristiques historiques, ou crées de toutes pièces, les spécialistes du voyage ont fait feu de tout bois, aménageant les territoires en fonction de leurs caractères en « zones de tourisme ». En ces temps de covid-19, les élites intellectuelles dans les pays émetteurs spéculent sur l'après catastrophe, tous prêchent pour une décélération économique, un monde vertueux ; les experts, les chefs d'entreprises et autres professionnels du tourisme leur emboitent le pas. Ils ont cédé la place aux politiques qui n'en font qu'à leur tête, décrétant telle mesure pour la supprimer le lendemain ; un pas de deux sur les vacances à l'étranger, des hésitations sur l'ouverture des frontières, des déplacements des personnes et des marchandises, des dates d'autorisation et de suspension de vols des avions et des mesurettes jusqu'au nombre de clients autour d'une table au restaurant ou dans un bassin de piscine ; quelques poids lourds de l'hôtellerie ( prompts à trouver des solutions expresses) ont vite fait de développer un label certifiant les niveaux de sécurité sanitaires et des mesures d'hygiène en rapport avec la reprise des activités dans l'hôtellerie et la restauration (sic) . En général, le sentiment qui prévaut est flou, la parole est désormais partagée, celle du commun côtoie celle du spécialiste ; mais la tendance penche plutôt vers le report des voyages et des déplacements à l'étranger à une date non précisée. Quant à la reprise du tourisme tel que nous l'avons vécu, elle n'est pas à l'ordre du jour, J C Ruffin romancier, médecin, grand voyageur, ancien ambassadeur explique (Arte) « le monde est incroyablement fragmenté… pour reconstruire un monde dans lequel la circulation serait aussi libre qu'elle l'était en janvier ou février, cela prendra beaucoup, beaucoup de temps … ». Et il n'est pas le seul à penser le proche avenir de cette façon. Et en Tunisie ? Le secteur touristique, rappelons-le, représente environ 10 % du produit intérieur brut et fournit 400 000 emplois directs et indirects lesquels à la lumière des déclarations seraient sérieusement menacés. Dans le contexte actuel de peur du virus, chaque nation est isolée du reste du monde, le tourisme tunisien, comme le reste de l'économie est aux abois ; alors qu'il n'existe pas ou si peu de réservoirs et d'exemples de crise connus dans l'histoire du secteur , les professionnels réfléchissent aux démarches à entreprendre, les conduites à suivre et lesquelles des initiatives choisir et à quel moment prendre les dispositions pour engager des actions. M. Mohamed Ali Toumi, ministre du Tourisme et de l'Artisanat, qui a hérité le département dans des conditions peu favorables, affronte cette catastrophe non annoncée, avec détermination ; rompu aux négociations, connu pour être un combatif, défenseur des intérêts du secteur, il écoute, consulte à tout va, ausculte et réfléchit aux décisions à prendre, réunit ses troupes, en rangs serrés mais… il ne dispose pas d'armes adéquates pour affronter les mesures prises par les pays émetteurs, sa marge de manœuvre est réduite, l'Europe s'enferme, ses deux têtes économiques, la France et l'Allemagne s'affrontent sur la dette d'après covid-19, la commission européenne sollicite un tourisme à l'intérieur de ses frontières ; à coups de publicités , les grands groupes alimentaires, industriels, agricoles français incitent la population à découvrir les régions, à consommer « maison », autrement dit à rester en France, etc, etc. Sale temps pour la mondialisation, néfaste pour le voyage, cruel pour le tourism. Pendant ce temps, nos vaillants professionnels se concentrent sur le marché local ou algérien (il y en a même qui citent le marché libyen), et spéculent (pour la énième fois) sur les autres formes de tourisme (culturel notamment). Mais soyons clair, réaliste, actuellement les réflexions, le rêve, la glose et autres exercices de style se limitent malheureusement à aujourd'hui, à demain peut-être, à la semaine prochaine probablement… le bout du tunnel.