Tandis que la période de confinement touche à sa fin, le pays vit une fébrilité qui n'a pas grand-chose à faire avec la joie et l'allégresse devant marquer la fin de cette épreuve difficile à tous égards. En nous attaquant voici déjà trois mois (en temps réel), la Tunisie présentait un tableau pour le moins chaotique dans tous les domaines de la vie sociale, économique et politique. Une situation imputable à une vie politique mal engagée depuis 2011, dans la bataille du remplacement de l'«ancien régime». Au vu de l'actualité qui se profile ces dernières semaines, on est bien en droit de se demander si la pandémie était une calamité ou une opportunité de changement au niveau national. Il est vrai qu'à coups de décisions précipitées, le bilan est plutôt mitigé. Sur le plan nutritionnel, le pays et son peuple ont fait montre d'une capacité de résistance plutôt appréciable. Contre les spéculations, les hausses vertigineuses des prix qui en découlent, la vague d'escroqueries que l'on a vécue sur les marchés, le Tunisien, par son caractère trempé, a su rester en vie, en attendant l'heure du bilan réel de ce qui s'est passé. Au plan politique, le coronavirus a pris le nouveau gouvernement de court. Dans une large mesure, on peut dire que la gestion de la crise sanitaire, avec les moyens du bord et les assistances multiples qui ont afflué sur la Trésorerie, a été juste acceptable. Maintenant, il semble que le pays baigne dans un flou total quant à la suite à donner à la politique sanitaire au terme de cette rude épreuve. Côté enseignement, le pays s'apprête à reprendre les cours et les examens dans une ambiance où le scepticisme le dispute à la résignation face aux séquelles éventuelles d'un retour à la normale. Les marchés et les commerces reprennent peu à peu le cours normal de leurs activités, dans un climat favorable à un approvisionnement plutôt régulier, et à une maitrise de plus en plus efficace des lobbies qui s'entretuent autour de la bourse du citoyen. Donc, tant bien que mal, le pays a, quand même, fait des efforts (pour la plupart spontanés), lesquels y ont été pour beaucoup dans ce retour timide à la sérénité sociale d'avant la pandémie. Une classe politique trouble-fête Le seul tableau qui fausse toujours le pas à la population soucieuse de retrouver son train de vie normal, est celui de la classe politique. Sans trop nous attarder sur les vices de cette classe politique en perpétuel déchirement sur tout, il serait bien indiqué de relever l'intensification des tares dont le pays ne cesse de souffrir depuis 2011. Par l'actualité qui se profile, l'opinion publique s'est mise à vivre la chose politique comme un interminable feuilleton de faits divers sans commune mesure avec leurs attentes du moment. En effet, et sur fond d'un lot quotidien d'actes de vandalisme et de sabotage de moyens de production, publics et privés), se dégage comme une « intention » de certains milieux de faire régner un climat de peur, euphémisme de terreur, afin de continuer leur commerce politique sur la même lancée, en contenant par la peur les réactions populaires. En haut de la pyramide du pouvoir, nous aurons vécu un trimestre inédit de lutte entre le Président de la République, et un député, promu par ses « pairs » président du législatif, qui se met à paralyser le Parlement, de par son rôle constitutionnel de pouvoir législatif, afin de faire main basse sur les prérogatives du chef de l'Etat, et pas moins que ça ! Au bout de trois mois de coronavirus, quels textes de lois nouveaux sont venus enrichir l'actif juridique ou judiciaire du Parlement ? A y voir d'un peu plus près, on constate que l'Assemblée des Représentants du Peuple a passé le noir de son temps à se disputer la « légitimité et la légalité » de la personne et des actes de son président. Cette série noire semble nous avoir guidé à accepter les digressions anticonstitutionnelles d'un pouvoir législatif devenu partie prenante active dans des luttes qu'aucune de ses prérogatives constitutionnelles n'ont prévu. Si la manière de faire du Parti Destourien Libre reste discutable aussi bien au sein du Parlement que dans les médias, elle ne saurait être plus grave que les sorties du Président de l'ARP, avec cette dose de cynisme renouvelé, lequel en intensifie à chaque fois la portée au sein de l'opinion publique. C'est ainsi que l'on peut voir le pourrissement de l'humeur de la population, dont de larges secteurs ne rebutent plus à demander la dissolution d'une chambre qui a trahi leurs aspirations et leurs voix. Parmi les expressions de cette exaspération, on suit non sans inquiétude les mouvements de protestations divers qui s'organisent autour de l'édifice du Bardo. Jamais plus de folklore sur l'essentiel ! Au sein de l'ARP, l'on suit non sans anxiété les propos laconiques de certains partis politiques qui ne trouvent plus aucune gêne à expliciter à la fois l'idée et son contraire. Qalb Tounes y est passé maitre, avec cette démagogie quotidienne dont l'objectif ne serait autre que de passer à la fois comme parti de pouvoir et d'opposition, en l'absence de tout repère rationnel, donc crédible auprès des autres blocs de l'Hémicycle. Les deux autres formations qui désormais souffrent le martyr au sein du présent gouvernement, Attayar et Achaab, font presque du sur place, étant branchés sur des dossiers qui dépassent les partis et les blocs : La corruption et les domaines de l'Etat. Etant condamnés à l'optimisme, à défaut d'une autre alternative, on peut relever certains changements à venir, bien que timidement, entre ces formations, ouvrant des perspectives à un nouveau mode de travail qui romprait avec la guerre des égos en cours. Des perspectives d'autant plus prometteuses qu'elles peuvent, en un rien de temps, fédérer tous les blocs en présence, comme contrepoids décisif à l'anarchie désormais défendue et pratiquée par la présidence de l'ARP, le bloc d'Ennahdha et de son tentacule folklorique d'El Karama etc. C'est à ce prix que la Présidence de la République retrouverait sa sérénité, sans forcer les textes de la Constitution, laquelle est déjà amputée de la Cour Constitutionnelle. La participation des organisations nationales comme l'UGTT, l'UTICA et autres grandes associations professionnelles ne fera que défendre cette perspective, la moins coûteuse par ces temps difficiles, qui requièrent de tous un vrai « déconfinement ».