Hend Bouaziz, jeune romancière tunisienne d'expression française, a écrit « Le jour et le jour d'après », un roman qui lui a valu le prix national de la Tunisie lors de la Journée du Manuscrit Francophone de 2016. Il sera suivi d'un deuxième roman intitulé « Vibrato » ou « Serment d'amour » qui paraitra incessamment avec son troisième roman « Orchidée des rêves ». Nous avons eu l'occasion de rencontrer la romancière qui nous a accordé l'entretien suivant : Le Temps : Une brève présentation de Hend Bouaziz Hend Bouaziz : Je suis l'écrivaine Hend Bouaziz. J'ai 41 ans. J'ai fait des études poussées en Management et une carrière dans les assurances, après quoi j'ai décidé de marquer une pause, pour, entre autres écrire, mais disons plus généralement pour retrouver une vie un peu plus équilibrée et plus en rapport avec mes aspirations. Mon parcours littéraire commence avec une prose plutôt poétique, celle de mon premier roman « Le jour et le jour d'après », prix JDMF 2016 pour la Tunisie, et aujourd'hui je m'inspire de plus en plus de la poésie. À ce propos, « Vibrato » ou « Serment d'amour », mon deuxième roman, à paraître bientôt, est un combiné de prose et de poésie. Enfin, je suis sur le point d'achever un troisième roman « Orchidée des rêves », également un combiné de prose et de poésie sous forme d'un essai. Je dois aussi dire que j'ai une petite expérience dans l'entreprenariat. Enfin, je suis universitaire, et tout cela se combine aujourd'hui pour une vie où chaque chose a son importance. Hend Bouaziz est surtout connue par son premier roman « Le jour et le jour d'après » qui a eu un bon succès auprès des lecteurs. Puis est venu le second intitulé « Vibrato » suivi bientôt d'un troisième roman « Orchidée des rêves ». Y-a-t-il un rapport entre ces trois romans ? Ces trois œuvres forment-elles une trilogie ? Il y'a indéniablement un moteur d'écriture commun entre les trois ouvrages qui retracent mon parcours sentimental des dix dernières années. « Le jour et le jour d'après » immortalise la rencontre cosmique qui n'arrive qu'une seule fois, raison pour laquelle je le considère comme la première capture effective d'un long parcours qui se poursuivra avec « Serment d‘amour » ou « Vibrato», un roman axé sur le décès de l'être cher et la douleur du deuil qui s'en suivra. Dans ce sens, « Orchidée des rêves » est un ouvrage plus intime et je le considère par voie de conséquence comme étant réellement autobiographique ou une sorte de roman-essai qui vient marquer l'acceptation des nouvelles règles du jeu de la vie et du hasard amoureux, après un long parcours de résistance et où la vie sentimentale se rééquilibre autour de la quête d'une nouvelle vie à deux, bien que je sache pertinemment bien que cette nouvelle vie aura de nouvelles règles et de nouvelles perspectives. Par ailleurs, « Orchidée des rêves » est une levée totale de voiles. On n'aura plus besoin de chercher la part de vérité et la part de fiction avec cet ouvrage qui oscille entre vérités franchement dites sous formes de confessions, et entre méditations posées et claires dans le domaine des sentiments, avec des conclusions personnelles qui peuvent intéresserégalement des personnes n'ayant pas connu le deuil et leur servir d'image parfaite pour se projeter dans une sorte de quête suprême surle plan amoureux. En vous lisant, on est très ravi par le style qui est un combiné de prose et de poésie. Accorderiez-vous plus de soin au style qu'aux idées ? L'exercice de style a une place privilégiée et je tends à le considérer comme le moteur de la transmission. Cette musicalité est heureusement, la plupart du temps innée et se manifeste d'elle-même. D'ailleurs, je peux dire qu'elle m'entraîne crescendo. Si je me mets face au clavier et qu'elle ne m'accompagne pas, je peux passer de nombreux jours sans écrire. Quoiqu'il en soit, l'écriture est certainement un duo d'idées et de style et je dois aimer mes phrases et aussi expérimenter les tournures de phrases de la manière qui me procure le plus de plaisir. Il m'arrive même d'écrire à voix haute pour m'assurer justement qu'un minimum de musicalité m'accompagne. Cette musique des mots, qui m'a conduite à expérimenter le poème est un moment sacré de l'écriture. On se couche et on se réveille dans un monde où le mot qu'il soit triste ou gai, nous plonge dans la musique, l'espoir ou la gaieté. D'ailleurs, « Vibrato » ou « Serment d'amour » est un roman qui place la musique en première ligne et qui s'inspire de cet art pour récréer dans un monde difficile, à travers cette musicalité, des notes sonores qui ont pour objectif de faire consentir le lecteur à voyager dans un monde dur. Probablement donc que cette musicalité est une parade pour estomper la dureté des pensées traduites dans l'écriture. Comment êtes-vous venue à la littérature alors que votre formation académique est bien différente du monde romanesque ? Je pense que nos formations académiques importent peu au final face à la littérature et au virus de l'écriture. J'ai côtoyé les romanciers à travers la lecture. J'estime aussi avoir eu une vie assez riche en termes de vécu. À un moment donné, il y a une part d'émotivité qui a pris le dessus sur un ensemble de choses plus rationnelles ou plus lucratives. Dans tous les cas, aussi longtemps que je m'en rappelle, j'ai toujours porté de l'émotivité en moi et j'ai toujours senti la nécessité de verser dans des débats profonds et introspectifs avec moi-même. Très jeune déjà, je savais que le clavier avait toutes ses chances de me conquérir et que je rejetais plusieurs idées communément admises comme étant plus rationnelles. Je pense porter en moi une part de rébellion ou quelque chose en tous cas qui fait de moi un être qui s'épanouit totalement face au clavier. Que représente l'écriture pour vous ? A qui écrivez-vous ? L'écriture est un acte de liberté extrême. Mais, si je porte un regard introspectif, je dirais que j'ai peut être choisi la voie difficile du roman, ou je dirais aussi que je devais forcement commencer par cette voie, même si je lui reproche de gommer un peu la vérité du moment et la personnalité de l'auteur, à travers le jeu de la fiction-réalité. Surement que je commence par écrire pour moi-même. Puis, ça vient tout seul de chercher à entraîner autrui. Mais ce que l'écriture m'a apporté en premier, c'est la possibilité de capturer la vie et de la figer en ces instants qui portent des significations pour moi. En cela, je me sens photographe de l'émotion du moment et il m'arrive de me relire après quelque temps et de tomber dans mon propre piège. L'écriture est une sorte de pièges que je me tends. Je me les tends pour me créer des repères. Pour apprécier les instants heureux ou tristes. En tout cas, à travers l'écriture, j'ai la force de pouvoir me dessiner, me regarder, me sonder, me retrouver à l'âge de trente-cinq ans. C'est une machine à remonter le temps et je la veux parfaite pour pouvoir justement voyager de temps en temps dans les repères qui me définissent. Je dessine une identité mutante avec mes écrits. Je suis comme un nomade en quête de remonter le temps et le passé avec leurs enseignements. Quelles sont vos sources d'inspiration ? Les émotions qui m'alimentent sont une source d'inspiration intarissable. Quand je commence à méditer, je sais que le moment est au clavier. Je crois que l'écriture est comme un escalier qui mène très haut, aussi fatiguant qu'il soit, on a encore envie de grimper pour se voir d'en haut. Il y a un moment de parfaite euphorie dans l'écriture. Il y a un moment où on sait qu'on a tout dit et qu'on a donc totalement purgé le compte face à ce qui crée en nous une forme d'émotivité, quel que soit son degré de rationalité. Quels sont vos auteurs préférés ? Ils sont réellement nombreux pour être tous cités. J'essaie justement de m'amuser avec ce que chacun d'entre eux m'a transmis dans ses ouvrages. Me concernant, j'ai un faible pour l'éloquence donc je lis plutôt des traductions en ce moment, et aussi, beaucoup de poésie dans toutes les langues que je maitrise. Outre la vocation romanesque, vous êtes également poétesse en langue française. Parlez-nous de cette expérience. Magnifique expérience. Cela dit, tout ça est aussi venu de lui-même et j'essaie de faire en sorte que mon regard soit le plus dur possible avec moi-même, car la poésie a ses règles et je suis très stricte envers moi-même. Pour moi, c'est le summum de l'expérience littéraire. Indépendamment du lectorat, des publications, des likes, c'est l'exercice de style le plus difficile, surtout que la poésie ne se résume pas à la rime et à la musicalité et qu'elle est beaucoup plus subtile. Dans votre prochain roman qui paraitra incessamment, serait-ce une écriture dans le même style (la prose poétique) et sur le même ton (tristesse, souffrance, regret) ou alors le lecteur découvrirait un autre genre d'écriture ? Où peut-on situer votre troisième roman par rapport aux deux précédents ? Tout d'abord, c'est l'autobiographie pure, franche, totale. C'est donc pour moi, une nouvelle étape. Tout est dit au premier degré pour lever totalement le voile et cela vient donc clore un chapitre de timidité littéraire nécessaire, Je dois aussi dire que c'est plutôt un essai, parce que moi-même, je devais chercher à varier mes expérienceslittéraires. Le temps a eu raison d'une forme de timidité, de pudeur, d'un je ne sais quoi qui m'empêchait au début de cette expérience de me montrer telle que j'étais moi-même et qui me forçait à tort ou à raison, je l'ignore, de mettre un masque pour me faire lire. Sinon, « Orchidée des rêves » complète la brèche d'espoir déjà entrouverte dans « Vibrato » ou « Serment d'amour », en se mêlant à la quête incessante d'un amour à venir aussi authentique que le premier. Votre mot de la fin. Je suis ravie d'être bientôt dans les librairies. Attendez-moi bientôt avec Vibrato, mais aussi Orchidée des rêves. Interview réalisée