Couvant depuis décembre 2019, la bataille des noms propres en Tunisie a fait surface ces derniers jours, s'agissant notamment des prénoms à attribuer aux nouveaux nés lors de leur inscription sur les registres de l'état civil. La municipalité de Bizerte avait créé l'évènementiel, il y a six mois, en cherchant à réactiver les dispositions des textes de lois et une circulaire ministérielle interdisant l'octroi de prénoms qui ne soient pas arabes, aux nouveaux nés lors de leur enregistrement dans les registres de l'état-civil. Les dispositions existent effectivement mais comme par hasard, la circulaire ministérielle invoquée, émanant du ministre de l'intérieur, date du 5 août 2013, lors du gouvernement de la Troïka. L'obligation de donner des noms arabes date, aussi, du premier texte organisant l'état-civil, publié au mois d'août 1957, au lendemain de l'indépendance et de la proclamation de la première république tunisienne de l'histoire du pays, illustrant le recouvrement de la souveraineté et l'identité nationales. Depuis, que de pas avaient été franchis, abstraction faite de la direction. Aussi, de toute l'actualité nationale de ces deux derniers jours, les articles de presse, notamment électronique, ayant soulevé de nouveau la question, ont été les plus commentés par les citoyens, voire les seuls qui aient été commentés, tellement le sujet les touche de près. Et, ils ont jugé l'acte de la municipalité de Bizerte « négatif et peu constructif ». Dans des déclarations publiques, le maire de Bizerte s'est réfugié derrière son chef de service de l'état-civil qui lui aurait fait état de plaintes de citoyens pour le « relâchement administratif» concernant l'application des dispositions relatives à l'interdiction signalée, et que lui demandant ce qu'il doit faire, le maire n'aurait pu faire autre chose que lui suggérer d'appliquer la loi, vu son statut. Parmi les prénoms incriminés figurent Rostom (nom d'origine persane signifiant Héros), Majdoline, Rachel. Porte-bonheur D'après un spécialiste, la polémique est sans objet, car l'origine des noms propres est difficile à cerner et ce que l'on croit être arabe peut ne pas l'être du tout, comme les noms des prophètes bibliques mentionnés dans le Coran, à l'instar d'Abraham (Ibrahim en arabe), ou encore Moise (Moussa) ou encore Aïssa, nom arabisé de Iassou (Jésus-Christ). Or, ces noms propres d'origine non-arabe ont été de tout temps utilisés par les arabes musulmans, outre le nom du prophète Mohamed, le premier homme à être appelé par ce nom et le premier arabe à le porter. Puis, a-t-il ajouté, il est de tradition dans les sociétés arabes depuis les époques les plus reculées, d'attribuer aux nouveau-nés des noms censés leur porter bonheur à travers le sens qu'ils véhiculent ou parce qu'ils sont agréables à entendre, c›est-à-dire auxquelles on est habitué. Or, le bonheur est souvent associé à l'intégration sociale et au succès social, liés au port de noms à la mode. La grande cantatrice arabe Fayrouz a consacré une jolie chanson sur le soin que mettent les parents pour donner des jolis noms à leurs enfants. Il y a également, a-t-il noté, cette tradition significative se traduisant par l'attribution de surnoms rebutants à la place de noms engageants comme l'attribution de surnom de Mayoufa (La Repoussante) à une femme appelée Zina (La Belle). Or, certains affirment qu'à l'origine c'était l'inverse, c›est-à-dire que c'est le nom de Zina qui avait un sens négatif. Aussi, a-t-il conclu, parfois, il n'y a pas mieux que de suivre la mode et l'air du temps.