Globalement, le chef du gouvernement Elyès Fakhfakh aura passé sans grand dommage l'épreuve, très informelle et sans effet, des 100 jours de pouvoir. Ce n'est pas que les 100 jours sont tombés à pic avec la période du confinement, les thèmes qu'il a développés ayant été plus « anciens », voire plus dramatiques. Il a d'abord réussi à faire la différence, dans l'entendement de certains députés analphabètes juridiques, entre le conflit d'intérêt comme étant un préalable éventuel à un délit de corruption, et la corruption et autres délits d'initiés dont regorgent en vérité les tiroirs de la Justice tunisienne. Sur son propre dossier, Fakhfakh a lâché, pour la première fois un élément capital, lequel semble fonder la globalité du programme politique qu'il aurait concocté discrètement avec son mentor du moment, le Président de la République Kaïs Saïd. En effet, le chef du gouvernement a déclaré avoir « constaté » ou « découvert » que notre Agence de Gestion des déchets, depuis sa création au début des années 1990, a limité ses transactions exclusivement à deux sociétés (familles), et que l'entrée en jeu de la société où il détient des parts serait à l'origine de cette campagne dont le personnel semble très mal choisi. Des propos qui reprennent les tonitruantes déclarations de l'ancien ambassadeur de l'Union Européenne à Tunis, M Bergamini. Le diplomate européen avait déclaré depuis quelques mois au journal Le Monde, que l'économie tunisienne est prisonnière de 400 familles qui y exercent un scandaleux monopole, barrant la route à tout effort de création. C'est à ce niveau de son exposé que deux groupes parlementaires et quelques « brebis » pieuses, ont quitté la salle, sous un nuage de scandale que le chef du gouvernement n'a présenté qu'à demi-mots. Qalb Tounès sans boussole Qalb Tounès, qui s'agitait jeudi pour faire chuter Fakhfakh, nous a fait vivre un mois d'enfer, épaulé par Ennahdha, sous le sobriquet de «l'élargissement du gouvernement», entendez l'entrée de ce parti au cabinet, au nez de Kaïs Saïd et de Fakhfakh, lesquels l'avaient exclus depuis les premières tractations consécutives à la chute précoce de Habib Jemli. Ainsi, jeudi après-midi, Qalb Tounès offrait le piètre profil d'un parti qui veut faire chuter un gouvernement auquel il tient en même temps à participer, marquant ainsi l'une des jurisprudences, et l'un des antécédents les plus comiques de l'histoire de cette ARP (Assemblée des Représentants du Peuple) de 2019 ! Une posture curieuse que seule la loi électorale peut étayer, avec beaucoup de psychanalyse. Reste, pour l'histoire, qu'Iyadh Elloumi, chef de file des Qalbistes, et tout le long de la conférence de presse, n'a jamais parlé que d' « indices », jamais de preuves, ce qui a réduit son intervention médiatique à du baratin dû à un mauvais joint. El Karama anoblit l'immoralité Le tableau de chasse ne saurait être complet sans la prestation «royale» de la coalition El Karama. Avec la même impolitesse, le clan quitte la plénière au moment même où le chef du gouvernement faisait lecture de son discours. On dirait que ces augustes députés ne font pas la différence entre une assemblée à l'image de l'ARP de la Révolution, excusez du peu, et une fête de circoncision dans l'un des patelins les plus reculés de la ceinture de la pauvreté du Grand Tunis ! Moins de cinq minutes après, on annonce aux représentants des médias sur place la tenue de la fameuse conférence de presse qui avait tout l'air d'une diversion par rapport à la plénière en cours. Selon quelle nomenclature on « lance » des conférences de presse au sein de l'ARP ? Aucun texte n'en pipe mot ! Comble du bédouinisme et de l'arrogance, après les « bismillah » d'usage, Seifeddine Makhlouf, s'attaque directement aux journalistes de certaines chaines n'ayant pas rejoint «sa salle» ! En moins de cinq seconde, notre malheureux orateur de la Hadhra et des Fdéoui, se trouve face à un seul micro. Tous les journalistes présents se sont sentis vexés par l'impolitesse d'un mauvais avocat conjugué à un faux député, qui ne doit sa place au Bardo qu'à la médiocrité de la loi électorale, plus que scélérate. Cette même loi qui nous a emmené des députés trainant des casseroles de droit commun, dont certains jugements variant entre deux et quatre ans de prison ferme. Autoproclamés en quelques semaines barbouzes attitrés, ne reculant devant aucune immoralité, langue ordurière à souhait, ils pensaient impressionner une classe politique ayant d'autres éléments d'éducation incompatibles avec ces bas-fonds de la criminalité et de la violence verbale et physique. Vague de médiocrité Dans ce contexte, il convient de rappeler au député délinquant que la presse et les autres médias étaient au Bardo, afin de suivre la prestation du chef du gouvernement, en plénière et non dans les couloirs de la bâtisse du Bardo. Aucun mobile ou critère professionnel ou moral ne leur permet de quitter ce pourquoi ils étaient là depuis huit heures du matin, pour « couvrir » les inepties d'adolescents attardés, qui plus est, s'emploient dans leur petitesse de quartier, à se mesurer à des personnalités nationales de la stature du chef de l'Etat ou du chef du gouvernement. Comble de la comédie, c'est ce Makhlouf qui a présenté un projet de loi légalisant les radios et télévisions pirates (Nessma incluse !) au nez et à la barbe des instances de régulation en place. Puisque l'ARP est, ainsi, devenue un « quartier pauvre » à tous les égards, la presse et les médias ne sont pas tenus de suivre cette vague de médiocrité qui s'est installée en mode de travail au sein du Législatif. Le boycott de certains députés s'installe spontanément comme la réponse la moins douloureuse, dans un milieu livré à la loi de la jungle et à l'immoralité la plus répréhensible. L'agression d'un journaliste ne doit pas passer comme un fait divers, dans un pays où les médias transportent l'expérience démocratique, avec toutes ses tares, sur leurs épaules. L'absence de réaction de certaines associations corporatives comme les avocats, les juges, les médecins et autres LTDH, UGTT, UTICA... ne sera que le prélude à la liquidation du tissu de la société civile tunisienne, favorisant ainsi le freinage de tout changement tangible, pour ne pas dire « pérennisant », moyennant maigres finances, le règne de la pègre au sommet de l'Etat. Aucune excuse n'est recevable sur ce chapitre.