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«Respecter l'homme n'est pas chose aisée»
Publié dans Le Temps le 29 - 07 - 2020

« Quand on sait que la vie et le courage des autres dépendent de votre vie et de votre courage, on n'a plus le droit d'avoir peur ».
Classique de la littérature africaine de langue française, régulièrement réédité en format de poche, Les bouts de bois de Dieu est un roman militant sous la plume du Sénégalais Ousmane Sembène. D'inspiration marxiste, le récit met en scène la lutte des classes à l'œuvre dans l'Afrique coloniale à travers l'évocation romancée de la grève des cheminots du Dakar-Niger de 1948. D'une écriture serrée et sans manichéisme aucun, le roman n'a pas pris une seule ride.
Le classique des classiques
« Les Bouts de bois de Dieu ».. est le classique des classiques africains, enseigné aujourd'hui dans toutes les bonnes écoles à travers le monde francophone. Les Américains parlent d'« African canon » pour désigner les œuvres essentielles du continent, dont ce livre fait indubitablement partie. Paru en 1960, il est l'œuvre du Sénégalais Ousmane Sembène. Ce dernier est mieux connu comme cinéaste, mais c'est sans doute parce qu'on oublie que le « père du cinéma africain » avait commencé sa carrière en tant que romancier. En réalité, Sembène a eu plusieurs carrières : il fut pêcheur, tirailleur pendant la Seconde Guerre mondiale, cheminot, ouvrier à la chaîne aux usines Renault à Paris, docker et syndicaliste à Marseille, avant de se lancer dans une carrière de romancier, puis de cinéaste.
Selon ses biographes, Sembène avait précocement arrêté ses études à l'âge de 13 ans. Il s'y était remis pendant les longues années qu'il a passées à Marseille après la guerre. Il suivait des cours dans les écoles du Parti communiste et surtout lisait énormément, empruntant des livres à la bibliothèque du port, tenue par la CGT. C'est ainsi qu'il avait découvert Germinal d'Emile Zola qui lui a servi pour « Les Bouts de bois de Dieu », le roman le plus abouti de Sembène. La maîtrise de la narration, l'économie des moyens, l'efficacité du récit qui caractérisent ce roman sont d'autant plus étonnant que l'homme était un autodidacte complet en littérature, qui n'était passé par aucune école de « creative writing ».
Que raconte le roman ?
« Les Bouts de bois de Dieu » est le récit romancé d'un événement historique, la grande grève des cheminots sur la ligne Dakar-Niger, qui eut lieu en 1947-1948. Les romans de Sembène partent toujours d'une indignation sociale. C'était le cas déjà pour son premier roman Le docker noir (1956) dont le point de départ étaient les grèves des dockers marseillais pendant la période des guerres coloniales françaises. Ces grévistes tentaient d'empêcher le chargement d'armes pour l'Indochine. Les Bouts de bois de Dieu est dédié aux grévistes qui luttèrent pendant presque six mois pour arracher à leurs employeurs des salaires décents, une retraite et des allocations familiales, des droits réservés jusque-là aux employés français.
L'auteur, qui avait travaillé comme cheminot à l'époque, avait suivi de près l'action des grévistes, et fut personnellement témoin des sacrifices et du courage des acteurs. C'est tout cela que son livre met en scène à travers une narration partagée entre les trois grandes villes, à savoir Dakar, Thiès et Bamako, desservies par la ligne ferroviaire. Progressivement, la tension monte et on voit les grévistes et la police coloniale s'affronter de manière de plus en plus violente.
La guerre que les deux camps se livrent et que le roman raconte avec un sens consommé du dramatique et du tragique, a une dimension épique car ses enjeux semblent dépasser les revendications du moment et engager l'avenir. Ces enjeux sont portés par des hommes exceptionnels, mais aussi par des femmes déterminées et courageuses. Le rôle éminent que jouent les femmes dans ce roman est réellement révolutionnaire, ce qui a valu à Ousmane Sembène d'être qualifié à l'époque de la parution du roman de « premier romancier africain féministe ».
Des femmes puissantes
L'œuvre littéraire comme cinématographique d'Ousmane Sembène se distingue par sa dénonciation des souffrances morales et matérielles dont les femmes sont victimes dans la société africaine. Mais le romancier refuse de représenter la femme seulement comme victimes. Dans « Les Bouts de bois de Dieu », il les a placées en première ligne pour mieux refléter leur importance dans l'évolution de la vie sociale et politique en Afrique. Epouses, mères ou sœurs des grévistes, on les voit solidaires de la révolte de leurs hommes. Elles sont l'âme et l'arme de la contestation des grévistes.
C'est par ailleurs la grande marche entreprise par les femmes entre Thiès et Dakar et son accomplissement malgré de moult obstacles, qui seront déterminants dans l'issue victorieuse de la grève des cheminots. Il n'est sans doute pas accidentel que cette aventure héroïque soit mise en musique et dirigée par Penda, une ancienne prostituée. En tombant sous les balles des tirailleurs, celle-ci s'impose comme martyre de la cause et à ce titre peut-être le véritable protagoniste du récit, et d'une certaine façon plus important que ses héros masculins.
Trois raisons pour lire ou relire ce roman
Il faut absolument lire ce roman pour savourer le talent de conteur du romancier qui mêle habilement la narration, la description et les portraits, sans dédaigner l'humour et le goût du détail piquant. Le résultat est captivant.
Les lecteurs apprécieront aussi la puissance de la fable derrière l'œuvre militante. Dans son analyse des Bouts de bois de Dieu, Wole Soyinka a évoqué sa dimension épique comme l'intérêt majeur de ce roman. « Et comme cela se passe dans toutes les épopées, l'humanité est renouvelée », écrit le dramaturge et romancier nigérian. Pour Soyinka, la révolte qui est au cœur de l'intrigue de ce roman, est un appel aux Africains pour transformer leur société en prenant en main leur propre destin.
Enfin, on ne soulignera jamais assez la force et la grandeur de l'univers sans manichéisme qui se déploie dans ces pages. Ici, pétris de respect malgré les antagonismes qui les opposent, les êtres vivent et meurent pour leurs idées et aspirent à un monde où l'on « combat sans haine », comme le rappelle la complainte par laquelle se clôt le récit. C'est sans doute cet humanisme sous-jacent à la vision engagée d'Ousmane Sembène qui rend la lecture de son œuvre si fascinante.


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