Alors que les frontières étaient en principe fermées, des départs de Français vers l'Hexagone dans des vols de rapatriement ont pu être organisés. «Le plus dur, c'est de ne pas savoir quand on va revenir. » Sophie, mère de deux enfants, a résisté longtemps avant de céder : elle quittera Alger pour rentrer en France avec ses enfants, laissant son mari, cadre dans une multinationale, sur place. « C'est un déchirement, mais l'enfermement avec des enfants, sans loisirs et sans occupations pour eux, c'est violent », explique la Française de 40 ans qui vit en Algérie depuis quatre ans. « En plus, les grands-parents, isolés en France, veulent voir les enfants », poursuit-elle. Selon l'ambassade de France à Alger, plus de 40 000 personnes ont pu regagner la France à partir de l'Algérie depuis la fermeture des frontières intervenue le 17 mars. « Malgré la fermeture des frontières algériennes, le dispositif de vols spéciaux est prolongé afin de permettre aux Français et résidents qui le souhaitent de rejoindre la France », explique-t-on à l'ambassade de France. Incertitude et manque de projection «Deux compagnies aériennes, Air France et ASL Airlines, opèrent des vols quotidiens au départ d'Alger et plusieurs fois par semaine depuis Oran, Annaba et Béjaïa, à destination de Paris et de Lyon. Les billets sont vendus librement sur les sites Internet des deux compagnies. » Aux deux compagnies citées, on peut ajouter aussi Transavia, partenaire d'Air France. Le 28 juin, les autorités algériennes avaient ordonné le maintien de la fermeture des frontières terrestres, maritimes et aériennes « jusqu'à ce que la pandémie du coronavirus soit dépassée ». « C'est à ce moment que j'ai décidé de partir », confie Amel, consultante franco-algérienne installée à Alger depuis six ans. « Si on nous avait donné un horizon précis, une date, OK, mais là, nous ne savions même pas quand les frontières seront rouvertes. Cette incertitude m'a poussée à acheter mon billet retour. En plus, j'avais très peur que la France arrête les vols ! » dit Amel. Pour d'autres, comme Anne, la cinquantaine et mariée à un Algérien, ce manque de projection dans l'avenir a poussé, au contraire, à rester. « Ne pas savoir quand je pourrais rentrer en Algérie m'a bloquée. Autant resté coincée ici que dans un petit appartement à Paris sous 40 °C », poursuit Anne. «C'était un peu la chasse au trésor» « Au tout début de la crise, je ne pensais pas quitter Alger, explique un chef d'entreprise français. Je me disais ça va passer dans deux ou trois mois, mais on n'en voit plus la fin. Alors j'ai décidé de rentrer, d'autant plus que le business est au point mort. » « En plus, je n'en pouvais plus de ce semi-confinement, rester dans mon appartement tout le temps, ne plus voir personne, pas de plages, pas de piscines, pas de parcs depuis des semaines et des semaines... Pourtant, je suis une privilégiée, j'occupe un bel appartement spacieux et je suis au centre-ville d'Alger. Je n'ose même pas penser à la majorité des familles ici », explique la consultante Amel. Début juillet, Amel se décide : « Mais pour acheter le billet aller simple, se renseigner sur les vols, etc., ce n'était pas du tout évident. J'ai trouvé des pages Facebook réunissant des Français en Algérie qui m'ont heureusement aidée. » Pour Sophie, la maman des deux enfants, acheter un billet « c'était un peu la chasse au trésor » : « De plus, je ne comprenais pas la confusion qu'entretenaient les compagnies aériennes poussant les gens à acheter des billets qui vont être de toute manière annulés. » Parallèlement aux vols des compagnies Air France, ASL Airlines et Transavia, Air Algérie – qui a commencé à ouvrir graduellement ses agences fin juin – a aussi lancé des dessertes pour le rapatriement vers Paris (les 4, 5 et 9 août) et vers d'autres destinations (Rome, Londres, Bruxelles, Francfort, Le Caire, Moscou, Doha, etc.). Seuls les ressortissants européens, les résidents ou les détenteurs de visa type D (long séjour) pour l'espace Schengen sont admis pour les rapatriements qu'organise Air Algérie pour ces vols pour la France. «Crève-cœur» «Arrivée en France, j'ai été choquée par l'absence de procédures sur place pour détecter les cas contaminés. On nous avait pourtant demandé de présenter à l'aéroport d'arrivée une attestation sur l'honneur d'absence de symptômes du Covid-19, mais rien. On ne nous a rien exigé à la PAF », témoigne Amel. Il est vrai qu'elle a voyagé avant le 1er août : à partir de cette date « toute personne arrivant en France en provenance d'Algérie devra se soumettre à un contrôle sanitaire », selon le site du consulat général de France à Alger. « Je me suis astreinte toute seule à la quatorzaine pour protéger ma famille. Ils se sont organisés pour ça. Je me sens soulagée et contente d'être partie », poursuit Amel. Pour Sophie, qui vient d'arriver avec ses deux enfants dans la maison de campagne de ses parents dans le sud-est de la France, la satisfaction n'est qu'incomplète : « Le véritable crève-cœur est d'avoir laissé mon mari à cause de son travail là-bas à Alger, mais nous n'avons pas le choix. Et on ne sait même pas quand nous serons à nouveau réunis.»