Yasmine Azaiez avait tout pour devenir une vedette pour les happy few, amateurs de violon et de musique classique ( ou savante comme on dit). L'est elle devenue ? Apparemment oui , mais pour un autre public beaucoup moins exigeant. Le Théâtre de plein air de Hammamet dans sa version serrée de post covid-19, appelée Sahryet a programmé la violoniste pour une soirée intitulée African Jasmine, beau titre ambivalent qui renvoie vers La nouvelle voie de l'artiste dans son genre africain ou vers le parfum du jasmin du continent africain. Yasmine joue sur les deux registres. Tient-elle l'équilibre ? Un orchestre composé d'un excellent pianiste, une guitare, une basse, et des percussions de tous genres, au centre Yasmine, habillée en robe de soirée en mousseline, sa coiffure et son look changés, elle entame la soirée entourée de deux danseurs africains grimés en zoulou , après chaque morceau, Yasmine, d'une main lève haut le violon, geste en tous points ressemblant, au poing héroïque du « Black Power » en 1968 à Mexico. Ble Bik, chanson qui circule avec succès sur Youtube ( « allez l'écouter »), insiste Azaiez ; violon lancinant, percussions, piano, basse etc, il y a de tout pour réveiller un anesthésié et faire participer le public qui n'en revient pas, ne trouvant pas ses repères. L'Afrique, mais pas que ça, le violon joue la variété ; romantique, Yasmine chante en français, s'exprime en anglais et fait du pied aux spectateurs, venus pour s'éclater : il n'y eut point d'éclatement de leur part ni d'éclat musical de la vedette du soir. Azaiez change de disque, il est loin le temps où ( en 2009) elle faisait un duo avec Nacir Chamma à l'Acropolium de Carthage, quand le oud et le violon en dialogue mélodieux et chuchotements subtils fascinaient le public, il est loin le temps où le violon ( encore à l'Acropolium) exprimait seul un son pur et rond, nourri d'une beauté enchanteresse. L'ambition de Yasmine l'égarer vers une sorte Big Band ( même si elle est bien entourée), lequel à notre avis ne correspond pas à sa musique, ni à ses vocalises courtes , cette musique qu'elle a appris et développé dans les meilleures écoles ( dont la célèbre école Yehudi Menuhin) . Une excursion orientalisante aux couleurs tunisiennes, aux humeurs changeantes, une sorte d'assemblage au petit bonheur des airs, juste pour appâter le public et le faire participer, poussant ce désir jusqu'à vouloir remuer la scène par « Allah Allah y a baba, Sidi Mansour... » ; le bouquet ! on se frotte les yeux.