Avec l'élection d'un nouveau président de la République, la Tunisie a tourné dimanche la page d'une transition mouvementée, devenant ainsi l'unique rescapée d'un printemps qui a vite viré à l'hiver en Libye, en Egypte, en Syrie et au Yémen. Le mérite de cette exception tunisienne revient en grande partie au dialogue parrainé par les quatre plus grandes organisations nationales: l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA), l'Ordre national des avocats (ONA) et la Ligue Tunisienne de défense des droits de l'Homme (LTDH). Bien qu'il soit un mécanisme informel et non démocratique a réussi à résoudre une grave crise politique en réunissant autour d'une même table les islamistes qui étaient alors au pouvoir et les opposants laïcs. Au fil des longues réunions aux quelles participaient les représentants de 22 partis de tous bords, les médiateurs ont tenté, dans le labeur, de marier la carpe et le lapin et de concilier des points de vue diamétralement opposés. Les pourparlers ont finalement débouché sur une nouvelle Constitution parmi les plus libérales dans le monde arabe, la formation d'un gouvernement apolitique, l'adoption d'une loi électorale et la désignation de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE). A l'heure où des institutions pérennes issues des législatives et de la présidentielle sont en train d'être mis en place, le dialogue national a-t-il perdu son utilité et sa pertinence? La nouvelle Constitution, le parlement, le gouvernement issu de la nouvelle majorité, le président élu, la justice et les divers organes de régulation (Cour constitutionnelle, HAICA...) sont-ils suffisants pour gérer les éventuelles secousses politiques futures et surtout pour trouver des solutions aux dossiers socio-économiques sensibles comme l'insécurité, l'anémie économique, le chômage, la levée des subventions et le déséquilibre régional ? «Le quartet ayant parrainé le dialogue national est toujours prêt à intervenir en cas de besoin pour rapprocher les points de vue entre les acteurs politiques », rétorque le secrétaire général adjoint de l'UGT, Bouali M'barki. Et d'ajouter : « Outre le volet purement politique, le dialogue national pourrait intervenir sur le plan socio-économique pour assurer la révision du modèle de développement économique, garantir un meilleur équilibre entre les régions et procéder à une répartition plus équitable des richesses». De son côté, le président de la LTDH, Abdessattar Ben Moussa, a estime que le dialogue national dans sa configuration habituelle ne peut être relancé qu'en cas de crise politique majeure, notant que le quartet pourrait jouer un rôle consultatif. M. Ben Moussa suggère aussi la possibilité de lancement d'un dialogue national sur des thèmes politique (révision de la loi portant création de l'ISIE et du Code électoral, réforme de la justice, réforme de la police... etc), sociaux (lutte contre le déséquilibre régional, adaptation de l'enseignement aux besoins du marché de l'emploi...) et économiques (révision du modèle de développement, endettement extérieur...etc). Le bâtonnier, Me Fadhel Moussa, que le quartet se baltera sur un autre front. «En tant qu'organisation de la société civile, nous resterons vigilants pour garantir le respect des libertés et la réalisation des objectifs de la révolution. Il ne s'agit pas uniquement de dénoncer les éventuels abus, mais d'être une force de proposition dans toues les domaines», assure-t-il.