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Par Hadi Sraïeb : Sortir du confinement cérébral
Publié dans Tunisie Numérique le 09 - 05 - 2020

Faute d'un enseignement de l'histoire de la pensée économique, de ses controverses autour d'écoles et de grands théoriciens, nos compatriotes continuent à croire que ce champ spécifique de l'activité humaine est soumis à des lois objectives de fonctionnement, lois qui s'apparenteraient à des principes naturels. Ainsi il est fréquent d'entendre dire " il faut produire des richesses avant de parler de partage" , "l'investissement crée la croissance et l'emploi" et plus près de nous récemment "il faut sauver le secteur privé principal moteur de progrès économique et social ".
Ces énoncés d'apparent bon sens ne sont en réalité que des contresens. Plus précisément de véritables sophismes (vice de raisonnement) qui, rabâchés à longueur de temps, finissent par être pris pour des vérités d'évidence. Il n'en est rien en réalité, car ces affirmations renvoient à des présupposés inconscients ou implicites sur la nature de la société et ses déterminants anthropologiques. En l'occurrence ici, La société serait composée d'individus à la recherche de leur intérêt ! Un intérêt qui serait obtenu, par la confrontation d'utilités ou de préférences, lesquelles s'ajusteraient spontanément par le marché. Les uns « pourvoyeurs d'écus », les autres « pourvoyeurs de force de travail » (Louis Althusser)
Ce qui frappe malgré tout ces jours-ci, c'est le fait que l'intensité du sentiment de nouveauté (la crise) soit en réalité et de fait directement proportionnelle à la perte de mémoire (Daniel Bensaïd). Certes, le pays n'a jamais subi dans son histoire contemporaine de crise de cette ampleur. Mais cela peut-il faire oublier que le pays a connu une croissance de plus de 4% pendant près de 25 ans, qu'il n'est pas abusif de qualifier de « croissance appauvrissante ». Admettons que cela mériterait quelques nuances, mais tout de même !
Tous les observateurs avisés conviennent que la crise de l'économique a précédé la crise de la pandémie, cette dernière n'ayant fait que l'aggraver en révélant ses traits les plus crus : pauvreté endémique exposée au risque de détresse alimentaire, précarité de plus de la moitié de la dite « population en âge de travailler », des centaines de milliers de microentreprises en désespérance (combien sur 600.000), des petites entreprises (15.000) des moyennes entreprises (5 000), des grandes entreprises (1 000) toutes foudroyées à des degrés divers, mais dont un nombre considérable mais méconnu est d'ores et déjà en cessation de paiement avec le risque non moins dramatique de basculer rapidement dans un processus conduisant à la faillite !
Certains osent évoquer « la résilience » du secteur privé et son formidable apport aux progrès du pays.
Si une nouvelle fois cela mérite nuances, on est tout de même bien en peine de trouver cette résilience !
L'épargne des entreprises n'a en réalité jamais dépassé au cours de la dernière décennie 5% du PIB. Que dire aussi de l'investissement privé qui a plafonné tout au long de cette même période aux environs des 10% conduisant à un vieillissement inévitable des capacités productives. La pandémie est certes responsable mais de manière différenciée (selon le secteur et la taille) des difficultés de trésorerie voire de fonds de roulement mais certainement pas de l'obsolescence de l'outil de production. Quant aux apports de progrès, il conviendrait de tempérer quelque peu pour ne pas dire relativiser de telles affirmations. La « condition salariale » induite par le secteur privé n'est pas celle à laquelle on pense logiquement et se réfère communément ! Il s'agit d'une condition salariale atrophiée, incomplète que l'on pourrait qualifier de sommaire (cela vaut souvent aussi dans le secteur parapublic). Près de la moitié des dits « emplois » y sont sous-déclarés et/ou sous-couverts ! Sur les 400.000 « emplois » du secteur du tourisme, seuls 100.000 sont réellement « salariés », tous les autres sont journaliers, saisonniers, à temps partiels non déclarés !
Selon les travaux de divers instituts statistiques (évoqué dans de précédents articles) l'emploi informel trouverait place dans le secteur privé formel à des degrés variant entre 30 et 60% selon les branches et la taille des établissements. 2/3 des effectifs du textile travaillent à façon (au rendement et à la commande). Que dire de la branche du bâtiment et des travaux publics où plus de la moitié sont payés à la tâche ou au projet et sans la moindre couverture sociale. En cas de doute lire le dernier rapport de la Banque Mondiale !
Du coup et fort abusivement, trop de nos prestigieux commentateurs font mine de confondre « emploi informel » avec ces centaines de milliers de jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, condamnés à la débrouillardise au jour le jour, acceptant quand il le faut de devenir des auxiliaires de la contrebande.
Il n'y a là qu'une somme d'observations objectives qui visent à rétablir les « dures réalités » et à relativiser le rôle réel que pourrait jouer ce secteur dans le cadre d'un remodelage de notre trajectoire de développement. Il n'est nullement question dans ce propos de prêter le flanc, encore moins d'abonder dans une sorte de « secteur privé bashing », dénigrement systématique et aveugle qui ignore les justes efforts que déploient de milliers de chefs d'entreprises pour sauver leur outil et les conditions de vie de leurs proches. La seule véritablement leçon que l'on puisse dégager de toute la dernière séquence est que le secteur privé est bien trop fragile et bien trop vulnérable pour mener à bien, à lui « seul », la conduite du renouveau du processus de développement.
De deux choses l'une, soit c'est la logique de marché, stricto sensu, qui doit prévaloir comme ne cesse de le revendiquer les tenants de « l'économie libérale », soit c'est une logique d'économie mixte, qui redonne à l'Etat une capacité d'intervention pour tenter de sauver l'appareil productif existant (plan de sauvetage) puis ultérieurement un rôle déterminant dans l'ouverture de nouvelles filières de production dont les marchés seront solvables à terme, (plan de reprise) à l'instar de ce qui s'est fait dans les décennies 60-70.
Dans le premier cas, le marché doit effectivement faire loi. La crise est ce moment de vérité où ne doivent survivre que les entités les plus compétitives, tant au plan technologique qu'économique, quitte à les « aider » à franchir cette mauvaise passe (crédit-relais). En revanche, devraient être éliminés les « canards boiteux », autrement dit toute cette frange d'entreprises situées sur des filières de production dépassées, largement surendettées et insuffisamment rentables. Il conviendrait alors de laisser libre cours aux mécanismes du marché efficient : mise en liquidation, rachat par la concurrence, privatisation. En somme l'exact inverse de la mise à niveau des années 90 : Une sélection naturelle où ne subsisteraient que les mieux adaptés ! On connait les liens quasi incestueux du libéralisme avec le darwinisme social.
Mais pas d'inquiétude! Cela n'arrivera pas comme le laisse transparaître le plan de sauvetage du gouvernement porté à la connaissance du grand public (Décret 308 du 8 Mai) !
Pas folle la guêpe, le gouvernement a parfaitement saisi l'ineffable de sa posture libérale qui se traduirait par une hécatombe sociale dont il ne se relèverait pas lui-même. Le Ministère des Finances s'est donc fendu, -mieux vaut tard que jamais-, d'un plan de secours d'urgence, très similaire à ce que l'on observe ailleurs.
Critères et seuils d'éligibilité, modalités d'octroi de prêts relais bancaires, règles de sélection, comité de supervision. Un dispositif somme toute cohérent mais qui reste muet sur l'enveloppe globale qui serait disponible. Seraient donc potentiellement exclues les entités sous régimes forfaitaires, surendettées, ou encore peu scrupuleuses du respect des lois sociales. Le tout serait arbitré au cas par cas et en dernier ressort par les banques ou/et le comité de supervision. On a tout de même du mal à croire à une totale et réelle transparence, l'histoire est témoin. Une seule certitude la myriade d'entreprises moyennes des groupes familiaux devraient pouvoir être sauvées, n'en déplaisent aux pourfendeurs du capitalisme de connivence !
Il est toutefois trop tôt pour se prononcer sur l'efficacité du dispositif (demande d'aide sur plateforme numérique), l'instruction des dossiers (le possible biais politique) et le niveau de prise en charge (partiel ou intégral). A l'évidence il y aura des perdants et dans leur sillage de nouveaux « sans emplois ».
Si le bien-fondé de ce plan ne peut être remis en cause, il convient de noter que ce gouvernement a perdu (une fois de plus comme les précédents), une occasion unique d'avancer de nouvelles pistes possibles de redéploiement du tissu économique en vue d'une nouvelle séquence de développement (remontée de filière, pôle public du médicament, préservation des ressources hydriques, modernisation administrative...)
Mais comme dit l'adage « demain est un autre jour »
Hadi Sraieb. Docteur d'Etat en économie du développement.
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