RCDiste dans l'âme et anti-islamiste jusqu'à l'os, Abir Moussi, l'avocate et actuelle présidente du Parti destourien libre (PDL) mène – depuis son entrée au Parlement après les législatives de 2019 – une bataille féroce et ouverte sur plusieurs fronts. D'Ennahdha et son chef Rached Ghannouchi, à Qalb Tounes et son fondateur Nabil Karoui, en passant par le Courant démocrate de Mohamed Abbou et Al-Karama de Seif Eddine Makhlouf … nul n'échappe aux flèches assassines de la politicienne. Un seul fonds de commerce : dénoncer et accuser de trahison et d'opportunisme tous ceux qui se mettent au travers de sa valse. Son ennemi numéro 1 est, nul ne l'ignore, Rached Ghannouchi, alias « le guide suprême des Frères musulmans en Tunisie », selon Abir Moussi. Le leader de l'islamisme politique tunisien et actuel président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), en a, d'ailleurs, pris pour son grade. A l'origine de tous les maux de la Tunisie avec ses « khwanjias » (aux yeux de Abir Moussi), Rached Ghannouchi a failli être mis sur la sellette, une nouvelle fois. Après un temps de répit du fait de la pandémie Covid-19 et le confinement général décrété le 22 mars, la présidente du PDL a réengagé les hostilités. Ses tentatives d'écarter les islamistes de la carte politique tunisienne ont, jusque là fait chou blanc, mais rien de semble dissuader Abir Moussi de sa raison d'être. La dernière tentative en date est la motion dont le bureau de l'ARP a rejeté, vendredi 3 juillet 2020, l'examen en plénière. La présidente du PDL a souhaité pousser le Parlement tunisien à prendre une position radicale vis-à-vis des Frères musulmans et les classer en tant qu'organisation terroriste avec tout ceux qui ont appartenu directement ou indirectement à la confrérie. Le motif de ce rejet ? Le bureau de l'ARP a estimé qu'il y a vice de forme. A ce refus qualifié « d'infraction » au règlement intérieur de l'ARP, Abir Moussi a répondu par une manifestation devant le Théâtre municipal au cœur de l'avenue Habib Bourguiba à Tunis. Au menu, des slogans anti-Ennahdha, anti-Frères musulmans et anti-Rached Ghannouchi. Ce dernier a même été qualifié « d'assassin ». Face à ces accusations, la membre du bureau exécutif du mouvement, Yamina Zoghlami a annoncé qu'Ennahdha allait saisir la justice.
Les relations qu'entretient le président du Parlement avec les membres de cette confrérie et entre autres, le chef du gouvernement turc Recep Tayiip Erdogan, ont, toujours, été le fer de lance de la guerre qui oppose Abir Moussi à Rached Ghannouchi et députés du bloc de son parti. C'est sur ce front que la présidente du PDL mène ses attaques mais en optant pour une manœuvre différente à chaque fois. Abir Moussi n'a pas changé son fusil d'épaule et ne compte pas le faire, selon toute apparence. Rappelons-nous, il y a de cela un mois, une autre motion présentée par le PDL mais, cette fois, examinée et votée en plénière, a été rejetée de justesse. La Déclaration du Parlement sur l'ingérence étrangère en Libye n'a collecté, le 3 juin après de longues heures de débat houleux, que 94 voix alors qu'il lui fallait 97 pour passer. Une défaite pour la motion, mais une victoire pour la présidente du PDL qui, ce jour-là, a réussi à marquer son coup, car, même si la motion portait sur l'ingérence en Libye, Abir Moussi a mis Rached Ghannouchi à découvert dans une intervention incendiaire. Documents en main, elle s'est lancée dans une tirade d'accusations et de critiques cinglantes à l'encontre du chef d'Ennahdha. De l'idéologie même du parti aux visites à l'étranger non-annoncées de Rached Ghannouchi, tout y était.
Le cheikh n'est, cependant, pas le seul ennemi à Abir Moussi. Si celle-ci a réussi en quelque chose durant toute sa carrière politique c'est, sans doute, se faire des ennemis, de par son appartenance à l'ancien régime mais aussi de par le fait qu'elle n'ait pas la langue dans sa poche. Le deuxième sur la liste de la présidente du PDL n'est autre que son collègue avocat, Seif Eddine Makhlouf, et son parti Al-Karama, né d'une miraculeuse union entre des « inconnus » de la scène politique classique réunis la veille des législatives dans une course effrénée vers l'hémicycle. Accusée d'être le bras droit d'Ennahdha du fait d'un rapprochement idéologique, entre autres, la coalition Al-Karama a, également, été dans la ligne de mire de la présidente du PDL et vice versa. Les provocations, attaques et insultes vont de bon train dans les deux sens à chaque occasion. Tout est matière à critiquer. L'une des attaques les plus illustres de Abir Moussi contre la coalition Al-Karama concerne, par ailleurs, la légitimité même du parti. Après avoir dénoncé l'affaire du badge avec accès libre à l'hémicycle et le statut fictif d'accompagnateur parlementaire attribués au « membre-fondateur » d'Al-Karama, Imed Dghij, la présidente du PDL a jeté la lumière sur le processus de création du parti soulignant que ce dernier n'existait, selon elle, que sur Wikipédia. Pour contre-attaquer, Seif Eddine Makhlouf et ses députés se sont jeté dans les bras du cheikh. Ils se sont, en effet, plaint auprès de Rached Ghannouchi, « des provocations » de la présidente du bloc PDL, Abir Moussi, à leur encontre et « d'ingérence » dans les affaires intérieures de leur bloc.
Le jeu des rhétoriques « guerrières » semble bien parti. Attendons de voir ce que nous réserve l'avenir !